
Chavouot 2021
La Guémara Bérahot (5a) nous dit au nom de Rabba : Si un homme se voit atteint par différents malheurs,
- Qu’il examine sa conduite car peut-être est-ce sa mauvaise conduite qui déclenche sur lui la colère divine.
- S’il a cherché mais qu’il n’a rien trouvé à se reprocher, il devra attribuer ses malheurs au fait qu’il néglige la Tora.
- Mais s’il ne trouve pas de négligence de sa part dans la Tora, alors il devra comprendre que ses malheurs lui viennent de l’amour qu’Hachem a pour lui.
Comment comprendre que Hachem puisse envoyer des souffrances à un homme par amour pour lui ?
Selon RACHI sur place, il existe une notion de Issourim Chel Ahava, des souffrances données par amour alors que le Tsadik n’a fait aucune faute. Et ce, afin d’augmenter son mérite dans le monde futur.
Mais d’autres Richonim, par exemple le Ramban dans son livre Chaaré Haguémoul, ne sont pas d’accord et pensent qu’il ne peut pas y avoir de punition s’il n’y a pas de faute.
Le Hovot Halévavot explique que parfois Hachem peut être amené à envoyer des souffrances au Tsadik :
- Par exemple afin de multiplier sa récompense dans le monde futur. Car malgré tous les problèmes qu’il rencontre, il s’accroche dans la voie de la Tora. Son mérite grandit donc encore plus.
- Mais parfois Hachem met à l’épreuve le Tsadik avec la pauvreté et la maladie à cause de la méchanceté de ses contemporains. Et ce, afin de mieux mettre en relief la différence entre lui qui, malgré les malheurs, continue à adhérer au projet divin et les Réchaïm.
- Le Tsadik peut également être puni sur terre car il n’a pas réprimandé sa génération sur leurs mauvaises actions.
- Enfin, il a pu faire une Avéra quelle qu’elle soit, et ainsi Hachem lui fait expier dans ce monde. Comme le dit le Passouk dans Kohélète (7 ; 20) : « Il n’y a pas d’homme Tsadik sur terre qui fasse le bien et qui n’a pas fauté ». Rachi dit sur place écrit : c’est pourquoi chaque personne devra réfléchir sur ses actions.
Un être humain, par définition ne peut pas être parfait, et donc, même le plus grand Tsadik, quelque part, n’a pas agit comme il le devait. Ne confondons pas les fautes du Tsadik et celles de Monsieur Tout le Monde, en effet quand on parle des fautes d’un Tsadik, c’est à un niveau très élevé de rigueur et certainement que pour nous ces fautes seraient des Mitsvot. Il ne faut pas penser qu’il y a faute au niveau de l’action, mais plus au niveau de l’intention. Il n’a pas mangé du cochon, mais plutôt il a manqué de perfection et d’intensité quand il a accompli une Mitsva. C’est ce que Hazal disent dans la Guémara Baba Kama (50a) : Hachem est particulièrement rigoureux avec ceux qui l’entourent, les Tsadikim, et qu’Il ne leur fait pas grâce d’un cheveu.
On retrouve cette idée dans la Paracha Vayéchèv quand Yaacov voulu s’installer dans le pays, son fils Yossef lui a été enlevé. Rachi explique au nom du Midrach que Yaacov voulu s’installer paisiblement, prendre un repos bien mérité après tout ce qu’il avait vécu chez Lavan. Mais Hachem dit : « Cela ne suffit-il donc pas au Tsadik tout ce qui lui est préparé dans le monde à venir, il désire aussi s’installer paisiblement dans ce monde ci ? » Tout de suite on lui a envoyé le problème de Yossef vendu par ses frères.
Hachem envoie des souffrances au Tsadik dans ce monde-ci afin de lui faire expier ici-bas le peu d’Avérot qu’il a fait. Et ainsi quand sa Néchama arrivera là-haut, elle ira directement au Gan Eden recevoir sa récompense pour toutes les Mitsvot qu’elles a accomplies. Elle n’aura pas besoin de passer par la case Guéhinam puisque tout aura été effacé grâce aux souffrances.
Mais pour le Racha c’est l’inverse, Hachem va lui payer dans ce monde le peu de Mitsvot qu’il a faites. Il recevra les honneurs, la puissance, l’argent, la santé et la réussite, car une fois dans sa vie il a mis les Téfilines ou il a donné la Tsédaka. Ainsi il sera intégralement payé ici-bas et une fois là-haut il n’y a que la punition qui l’attend.
Grâce à cette règle, on comprend mieux pourquoi, parfois, on voit des gens qui sont en dehors des chemins de la Tora et qui pourtant sont riches, puissants et dont le meilleur chiffre d’affaires se fait le Chabbat. Alors que, parfois, on constate qu’un Tsadik ne trouve pas de Parnassa pour nourrir sa famille car justement, lui, il veut garder Chabbat. On marche sur la tête !
Le Midrach Yalkout Chimoni sur la Paracha Tolédot (§27) raconte l’histoire suivante : Un jour de Chabbat l’ennemi emmenait sur un cheval Rabbi Yossi Ben Yoézer pour le tuer. À ses côtés chevauchait son neveu Yakoum, il était à cheval lui aussi alors qu’l est interdit de monter sur un cheval le jour du Chabbat. Ce dernier a alors dit à son oncle en se moquant : « Regarde le cheval que m’a donné mon maître, et regarde le cheval que t’a donné ton maître (c’est-à-dire Hachem) ». Sous-entendu, toi tu es religieux et pourtant tu vas mourir pour ta religion sans que ton Dieu intervienne. Alors que moi, qui a tout renié, je suis libre et je chevauche un magnifique cheval.
Rabbi Yossi a répondu : « Si déjà celui qui n’accompli pas Sa volonté, Hachem lui donne une si belle récompense dans ce monde, combien sera belle dans le monde futur la récompense de celui qui fait Sa volonté ! »
Alors Yakoum lui a dit : « Y-a-t-il quelqu’un qui a fait plus que toi la volonté de ton Créateur ? Et pourtant regarde ce qui t’arrive pour avoir voulu suivre la Tora ! » Son oncle lui a alors dit : « Si déjà ceux qui font sa volonté, voilà ce qui leur arrive dans ce monde, alors imagine ce qui va arriver dans le monde futur à ceux qui transgressent Sa volonté ».
Ces paroles furent pour le neveu comme un électrochoc et il a fait Téchouva sur place. Voulant expier toutes ses fautes il s’est donné la mort en s’appliquant sur lui-même les quatre morts prévues par la Tora. Juste avant de mourir, Rabbi Yossi a vu l’âme de son neveu qui montait au ciel et il s’est exclamé : « Il m’a devancé de peu au Gan Eden ».
Mais il reste une question, pourquoi le Tsadik souffre sur cette terre, cela nous l’avons compris, mais pourquoi faire du bien au Racha et lui permettre de vivre une vie d’insouciance ?
Le Hovot Halévavot répond à cette question :
- Parfois, c’est pour le récompenser d’une bonne action qu’il a faite.
- Parfois, c’est pour que son fils, qui lui, sera Tsadik, puisse hériter de sa fortune.
- Parfois, c’est l’abondance de richesse qui génère la mort. L’abondance de nourritures et de boissons, de plaisirs à l’excès causeront sa perte.
- Parfois, on lui fait du bien ici-bas par le mérite d’un de ses ancêtres qui était Tsadik, Zéhout Avot.
- Mais aussi afin de mettre à l’épreuve tous ceux qui verront ce Racha riche et en bonne santé, à qui tout réussi alors que le Tsadik à une vie parsemée d’embûches. Quel chemin ces observateurs prendront-ils ?
Aujourd’hui c’est Chavouot, et la Guémara nous dit dans Bérahot (5a) : Rabbi Lévy bar Hama dit au nom de Reich Lakich : Un homme doit toujours animer en lui son Yétser Hatov sur son Yétser Hara afin de ne pas fauter.
S’il y arrive tant mieux, sinon il doit se plonger dans l’étude de la Torah car seule la Tora aura la puissance nécessaire pour l’empêcher de fauter. Mais uniquement à condition qu’il se plonge entièrement et surtout sincèrement dans la Tora. Car la Tora ne doit pas juste être une science qui nous permettrait de faire de la gymnastique intellectuelle. Pour autant qu’elle soit belle, le but véritable de la Tora est de nous transformer, nous changer. Elle doit couler dans nos veines au point de faire partie de nous même. Alors seulement elle pourra nous protéger.
Mais si elle n’a pas pénétré notre épiderme, qu’elle est juste « Min Hassafa Véla’houtz » comme le disent ‘Hazal ; que ce ne sont juste que des mots que l’on prononce mais qu’ils n’ont pas pénétré notre personnalité, alors elle ne suffira pas pour s’opposer à notre Yétser Hara.
La Guémara continue en disant que si cela ne suffit pas on devra lire le Chéma, et si cela ne suffit toujours pas on devra se souvenir du jour de la mort. Le fait de se rappeler qu’un jour on va mourir et donc rendre des comptes au Ribono chel Olam nous fera prendre conscience des vraies valeurs de ce monde et nous aidera à tenir bon.
Le souvenir de la mort est un procédé de dernier recours car la Tora n’aime pas la tristesse, seuls certains jours sont réservés aux pleurs tels que les jours de jeûne, Kippour, Ticha Béav … sinon le reste de l’année est frappée de l’adage « Ivdou èt Hachem Béssimha » (sert Hachem dans la joie), toute l’année nous nous devons d’être joyeux, entretenir en nous la gaieté que nous avons su trouver dans la Tora.
On ne peut faire quelque chose que si on est heureux de faire cette chose.
Le deuxieme Passouk de la Haftara de Vayikra dit : « Vélo oti karata Yaacov ki yagata bi Israël » « Ce n’est pas moi que tu as invoqué Yaacov, tu t’es lassé de moi Israël ».
Les Baalé Moussar expliquent ainsi ce Passouk : Si « Yagata Bi Israël », si tu t’es fatigué de moi Israël, alors « Lo oti karata Yaacov », ce n’est pas moi que tu as invoqué Yaacov.
Si, quand tu fais la Tora, tu ressens de la fatigue, cela t’embête, tu te forces, alors c’est que tu n’es pas dans ma Tora. Tu t’es trompé de religion nous dit Hachem. Ma Tora n’est que joie et plaisir, tu dois trouver plaisir à faire la Tora, tu dois être heureux chaque fois que tu as l’occasion de prier, de faire Birkat Hamazone, de faire Chabbat. Si tel n’est pas le cas, c’est peut-être que tu n’as pas encore compris la signification de la Tora.
