
PARACHAT NASSO
Notre Paracha parle de la femme Sota, (femme à qui le mari a interdit de s’isoler avec un homme car il la soupçonne de le tromper avec cet homme, et qui s’est malgré tout isolé avec cet homme), qui était amenée au Temple où elle devait faire toute une procédure au terme de laquelle, si elle avait effectivement trompé son mari, elle décédait, et sinon elle était bénie de nombreuses bénédictions.
Le Passouk dit : « Et si cette femme ne s’est pas rendue impure, et qu’elle est pure, elle sera innocentée et enfantera une descendance. » (Bamidbar 5 ; 28)
La Guémara Sota (26a) explique que si cette femme ne s’est pas rendue impure ni par cet isolement avec cet homme, ni avec un autre homme, elle sera bénie.
- Selon Rabbi Akiva, si la femme était stérile, elle pourra désormais avoir des enfants.
- Selon Rabbi Ichmaël, si habituellement elle accouchait avec difficulté, ce sera dorénavant facile pour elle. Si elle n’avait que des filles, elle aura des garçons. Si ses enfants étaient de petite taille, elle en aura des grands. Si elle enfantait des enfants basanés, maintenant elle enfantera des enfants à la peau claire.
Une question se pose sur notre Passouk : que la femme soupçonnée d’adultère bénéficie d’une postérité comme « dédommagement » pour n’avoir pas fauté semble vraiment disproportionné en regard de ce qu’elle a fait malgré tout. En effet, on ne parle pas ici d’une femme vertueuse n’ayant rien à se reprocher, mais d’une épouse qui a osé s’isoler avec un autre homme, alors que son mari le lui avait interdit. Et même si rien de grave ne s’est passé, elle n’est pas tout à fait irréprochable.
Pourquoi donc dans ce cas mérite-t-elle d’avoir une descendance ?
Le Hatam Sofer écrit que la femme Sota a subi une telle humiliation, qu’elle mérite d’être bénie d’une descendance. Elle a été trainée au Temple par son mari, le Cohen lui a découvert la tête devant tout le monde et lui a fait boire les eaux amères sensées la tuer si elle a fauté.
Nous apprenons d’ici l’immense pouvoir de l’humiliation.
Lorsqu’un homme accepte les affronts sans répliquer, il se préserve ainsi de toutes sortes de malheurs et même de la mort. Ils constituent un remède miraculeux et une source de délivrance non onéreuse et à la portée de chacun, à la différence des médicaments et des soins médicaux dont l’obtention nécessite d’investir du temps et de l’argent.
Une veille de Chabbat, un homme humilia le Rabbi de Zwil en public au Mikvé, ce dernier demeura immobile et impassible, et écouta attentivement toutes ces paroles humiliantes dans la plus grande sérénité. Après quelques minutes, un juif s’approcha de lui et lui demanda une bénédiction lorsqu’il se serait trempé dans le Mikvé comme il avait coutume de le faire. Sur le champ, le Rabbi entra dans l’eau, en remonta, se sécha et lui annonça qu’il avait réussi à intercéder en sa faveur auprès de la Miséricorde Divine afin d’obtenir sa délivrance.
Le lendemain, alors que le Rabbi de Zwil se dirigeait vers le Mikvé, un autre juif l’aborda et lui demanda d’intercéder auprès du Ciel en sa faveur en mentionnant son nom après s’être trempé. Mais le Rabbi lui demanda de revenir une autre fois.
L’homme lui demanda alors : « En quoi suis-je différent de celui qui a demandé hier ce que je demande aujourd’hui, et qui a été exaucé sur le champ ? »
Le Rabbi lui a répondu : « Hier, grâce à l’humiliation que j’avais subie et acceptée en silence, j’étais en mesure de prier pour cet homme et d’être exaucé. Mais aujourd’hui personne ne m’a humilié, pour l’instant je ne peux rien pour toi. »
Les affronts sont aussi le meilleur des remèdes parce qu’ils permettent même de guérir les maladies les plus difficiles.
Le Rabbi de Zwil avait une fille à la santé fragile. A chaque fois qu’elle avait de la fièvre, sa vie était en danger. Un jour, sa fièvre ne cessa de monter. Sur le champ, son père revêtit son manteau et sortit dans la rue. En tant que responsable des affaires religieuses, il était également chargé de collecter des parents les frais scolaires du Talmud Torah. Il se rendit alors chez une femme dont la situation financière était difficile et lui demanda de régler la dette qu’elle avait envers le Talmud Torah depuis plusieurs mois. Cette dernière l’injuria sans mesurer ses mots : « Qui es-tu, quel est ton nom pour me demander de payer les frais scolaires ? », dit-elle.
Pendant ce temps, le Rabbi écoutait ses paroles sans dire un mot. Lorsqu’elle eut achevé sa diatribe, il s’en retourna chez lui et par le mérite de cet affront, sa fille guérit. Quelque temps après, la fièvre recommença à monter et comme la fois précédente, il sortit à nouveau dehors à la recherche d’une occasion de subir un affront. N’en ayant pas trouvé, il revint chez lui en soupirant de douleur : « Je n’ai même pas réussi à en trouver une seule ! », se lamenta-t-il. Sa fille mourut peu après.
Il ne s’agit pas ici de masochisme, ni d’une quelconque volonté de se laisser écraser et humilier par autrui. Mais parfois dans la vie des situations difficiles se présentent sans qu’on en soit responsable et sans qu’on ne les ait vu arriver pour s’en prévenir.
Quelle sera notre réaction ? Va-t-on rendre la monnaie de sa pièce à ce malotru en lui faisant ravaler sa salive par une réponse bien acerbe qui fera changer de camp à la honte, ou allons-nous ne rien dire car nous verrons dans cet incident une incroyable opportunité offerte par Hachem d’expier une partie de nos fautes ?
Les affronts annulent les décrets de mort. Le meilleur des repentirs est celui qui consiste à supporter les affronts, les injures et les insultes. Celui qui arrive à supporter les affronts peut continuer à vivre tranquillement en expiant ainsi ses fautes. Cela ne lui demande pas énormément d’efforts, si ce n’est celui de supporter les humiliations.
L’homme doit traverser dans sa vie des épreuves afin d’effacer ses fautes, et si on lui demandait de quelle manière il désire les expier : une perte d’argent, un décès, une maladie ou la mort, il est certain qu’il refuserait toutes ces souffrances.
Dès lors, par quel moyen l’homme peut-il expier ses fautes ?
Il ne lui reste qu’une seule solution :
Le Passouk dit dans Eikha (3, 30) : « Qu’il présente la joue à celui qui le frappe et se rassasie d’humiliation », c’est-à-dire qu’il supporte les affronts en silence.
L’humiliation est quelque chose d’extraordinaire ! C’est avec cette optique qu’il nous faut endurer les humiliations de la vie. Elles sont finalement, pour celui qui y réfléchit, des trésors précieux, qui nous évitent parfois des peines bien plus douloureuses.
