PARACHAT VAYÉCHÈV 2021

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VAYÉCHÈV

La Paracha Vayéchèv raconte la vente de Yossef par ses frères. Jaloux de Yossef, ils décidèrent de le tuer.

Au dernier moment, Réouven, le frère aîné, proposa de ne pas le tuer mais de le jeter dans un puits, espérant le ramener plus tard à son père.

Ensuite, Yéhouda proposa à son tour de le sortir du puits et de le vendre au convoi de vendeurs Yshmaélim qui passait par là en route vers l’Egypte.

Apparemment, les deux frères ont cherché à sauver Yossef, lequel est le plus digne de louanges ?

La Guémara Makot (10a) enseigne que Réouven est loué comme étant celui qui a sauvé Yossef.

Mais la Guémara Sanhédrin (6b) désapprouve le comportement de Yéhouda qui avait l’autorité nécessaire pour convaincre ses frères de le libérer totalement.

On peut s’interroger, à priori, cela aurait dû être l’inverse !

Il est vrai que Réouven chercha à sauver Yossef, mais en le jetant dans un puits rempli de serpents et de scorpions, sans la moindre goutte d’eau, il était assuré de mourir rapidement. Il l’a sauvé des mains de ses frères qui en voulaient à sa vie, mais concrètement, il ne l’a pas réellement sauvé puisqu’il le met dans un puits rempli de serpents et de scorpions.

En revanche, Yéhouda réussit à lui sauver réellement la vie en le sortant du puits et en le vendant comme esclave. Pourquoi donc les Hakhamim donnent-ils beaucoup plus d’estime à Réouven qu’à Yéhouda ?

Le Rav de Ponyovitch explique cette différence ainsi : La Torah précise que Réouven a voulu le jeter dans le puits « Afin de le sauver de leurs mains pour le ramener à son père » (Béréchit 37 ; 22). Il cherchait donc à sauver l’avenir spirituel de son frère, en le renvoyant étudier la Thora chez son père. C’est pourquoi la Thora le loue.

A l’inverse, Yéhouda ne sauva « Que » la vie matérielle de son frère, et au lieu de le renvoyer chez son père, l’exila dans l’impureté d’Egypte, en tant qu’esclave !

Bien que sauver quelqu’un de la mort physique soit une grande Mitsva, sauver une Néchama est encore plus grand.

Quand Yaakov reçut la nouvelle que son fils Yossef avait disparu, il fut inconsolable. La Torah nous dit que : « Yaacov déchira ses vêtements … et fut en deuil de son fils de nombreux jours (22 ans). Tous ses fils et toutes ses filles[1] se levèrent pour le consoler, mais il refusa toute consolation et dit : Non, car je descendrai vers mon fils en deuil dans la tombe. Et son père le pleura. » (Béréchit 37 ; 34-35)

Rachi rapporte un Midrash selon lequel Yaacov avait reçu un signe de Hachem que si aucun de ses enfants ne mourraient de son vivant, il serait assuré de ne pas voir l’Enfer. C’est pourquoi, lorsqu’il apprit la disparition de Yossef, son désarroi ne connut pas de limites.

Le peuple juif est composé de douze tribus et Yaacov savait qu’étant donné qu’il en manquait une, celle de Yossef, c’était le peuple juif ainsi que le monde entier qui étaient en péril. Sans nouvelles de son fils durant vingt-deux ans, il vécut avec cette idée et croyait, en conséquence, ne pas mériter le monde futur.

Ce qui est extraordinaire, c’est que malgré cela, il n’apporta aucun changement dans son service Divin, il continua à servir Hachem, comme auparavant.

C’est là, la marque du Émète (Vérité) qui le caractérisait. Il est dit concernant Yaakov : « Titène Émète LéYaacov » (Tu donneras la vérité à Yaacov) (Mikha 7 ; 20).

Même lorsqu’il lui semble qu’il n’y a pas de but dans le service d’Hachem et que tout se disloque (pas de tribus, pas de monde futur), néanmoins, Yaacov reste fidèle au Maître du monde. Le Gaon de Vilna a dit : « Même si, en accomplissant les Mitsvot on allait en enfer, je continuerais à les accomplir, car telle est la volonté de Hachem ».

Nous aussi, prenons exemple sur Yaacov. Parfois nos valeurs sont attaquées et les piliers sur lesquelles s’appuie notre foi s’ébranlent. L’obscurité nous envahie soudain et nous ne savons plus à quoi nous accrocher. Nous ne comprenons plus rien, ni les gens, ni les rabbins, ni la religion, tout s’écroule. C’est dans de telles circonstance qu’on voit si on croit vraiment, si c’est « du solide ».

Bien entendu, c’est avant qu’il faut se préparer à la tempête. Dans un incendie, un pompier ne fait que reproduire mécaniquement les gestes qu’on lui a appris quand il n’y avait pas de feu. Si on l’avait envoyé au feu sans préparation, il aurait été incapable de faire quoi que ce soit. De même pour apprendre à conduire une voiture, on va dans une auto-école apprendre des automatismes qu’on reproduira en conduisant.

Il en va de même pour la Émouna. N’est resté croyant en sortant d’Auschwitz que celui qui y est entré croyant. Celui qui n’était pas croyant au départ ne l’est pas devenu en voyant toutes ces horreurs.

C’est en période de calme qu’il faut travailler sur notre Émouna. Quand le Nissayone (l’épreuve) arrive c’est trop tard, on ne fait que reproduire des automatismes, on s’appuie sur ce qu’on pense être vrai.

 

[1] Pourtant Yaacov n’avait qu’une seule fille, Dina ? Rachi donne deux explications possibles : Soit des sœurs jumelles étaient nées avec chaque tribu et chaque frère épousa une sœur jumelle ; soit il s’agit des filles de Canaan qui se sont converties et qui ont épousé les enfants de Yaacov. Et un homme peut appeler son gendre « Mon fils » et sa belle-fille « Ma fille ».