Machia’h et le Rabbi de Tchernobyl

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Rabbi Na’houm de Tchernobyl, se rendit dans un village lointain et trouva l’hospitalité auprès d’un juif simple et pieux qui y demeurait.

Comme à son habitude, au milieu de la nuit, le Rabbi se leva et commença à lire le Tikoun ‘Hatsot (prières et lamentations sur la destruction du Temple) en déversant des larmes. Le maître de maison, éveillé par les sanglots, s’inquiéta et vint prendre des nouvelles de son noble invité.

Le Rav le rassura en lui expliquant qu’il pleurait sur la destruction du Temple, souhaitant voir très rapidement sa reconstruction. Devant le visage perplexe du juif, le Rabbi interrogea : « Ne désirez-vous pas la venue du Machia’h et monter vivre à Jérusalem ? » Le brave homme ne savait quoi répondre et il lui dit qu’il allait demander à sa femme.  Quand il revint, il expliqua qu’ils ne désiraient pas quitter leur village vu l’élevage des très nombreuses volailles dont ils s’occupaient.

Le Rav insista en mettant en relief la précarité de leur situation, puisqu’à tout moment pouvait surgir une bande de Cosaques qui pouvaient les attaquer mettant peut-être même leur vie en danger.

Le villageois, à nouveau après avoir interrogé sa femme, lui répondit : « Alors oui ! Priez pour la venue du Machia’h, mais que ce dernier prenne avec lui les Cosaques loin d’ici, et qu’il les emmène à Jérusalem ! »

En d’autres termes, cet homme ne désirait pas de changement dans son train-train, il souhaitait juste se débarrasser des inconvénients de sa vie.

Cette histoire pose en réalité la question de savoir ce que véhicule notre pensée lorsqu’on exprime le désir de voir prochainement la venue du Machia’h et la reconstruction du Temple.

Ne cherchons-nous pas à rester dans notre confort quotidien, avec nos activités, hobbies, vacances et passe-temps, tout en étant intéressé à écarter les petits soucis (de santé, paix, subsistance et autres) qui perturbent la sérénité à laquelle nous aspirons ?

Nous voulons le Machia’h, mais un Machia’h comme on le désire, celui qui va nous débarrasser des dangers provenant de l’Iran, des terroristes, des agresseurs, des maladies et autres rabat-joie, afin que nous puissions enfin goûter à un monde de quiétude et de délectation, en famille et entres amis.

Est-ce cela, « vouloir le Machia’h » ?

Le Ramban écrit, au début de son commentaire sur Chémot, que ce livre s’appelle celui de la délivrance. Or on sait très bien que le récit de la sortie d’Egypte ne couvre que la première moitié du livre de Chémot, la deuxième partie traitant de la construction du Mishkan (Tabernacle).

Le Ramban répond que ce sanctuaire est lui aussi l’expression de la délivrance.

En effet, sortir de l’état concret d’esclavage n’est pas encore suffisant pour être considéré comme libre, car le vécu dans un pays immoral et idolâtre comme l’Egypte laisse forcément des traces. Ce n’est qu’après avoir reçu la Torah et construit le Mishkan, lieu de résidence de la Présence divine, que les Béné Israël pouvaient parvenir au niveau spirituel des Patriarches et être considérés comme véritablement délivrés.

De même que l’exil d’Egypte ne prit véritablement fin qu’avec la construction du Mishkan, l’exil actuel long de deux millénaires ne prendra fin que lorsque le Machia’h se dévoilera et construira le troisième Temple.