« Ainsi parle ton serviteur Yaakov : Avec Lavan j’ai séjourné (Garti) et j’ai tardé jusqu’à maintenant. » (Béréchit 32 ; 5)
C’est le message que Yaacov a ordonné à ses messagers de transmettre à son frère.
Rachi cite deux interprétations de l’expression « J’ai habité chez Lavan ». Selon la seconde, le mot « habité » (Garti), a la même valeur numérique que le mot « Taryag » (613).
Selon cette interprétation, le message que Yaakov a envoyé à son frère était : « Bien que j’aie vécu chez Lavan, j’ai observé les 613 Mitsvot de la Torah pendant tout ce temps et je n’ai pas été influencé par les mauvaises actions de Lavan. »
Étant donné qui était Essav, pourquoi se soucierait-il le moins du monde du fait que Jacob ait respecté les 613 Mitsvot et n’ait pas tiré d’enseignements des mauvaises voies de Lavan ?
Quel effet cela aura-t-il sur Essav que Jacob ait respecté les 613 Mitsvot dans la maison de Lavan ?
Dans la Parachat Toldot, après que Yaacov eut subtilisé les Bérahot d’Essav à son père, le verset dit : « Essav prit en haine Yaacov à cause de la bénédiction dont son père l’avait béni. Essav se dit en son cœur : Les jours du deuil de mon père approchent, et je tuerai mon frère Yaacov. » (Béréchit 27 ; 41)
Le Kéli Yakar explique qu’Essav attendait le moment où Jacob ne se consacrerait pas à l’étude de la Torah, car ce serait le moment propice pour le tuer, l’étude de la Torah ne le protégeant plus.
Essav prévoyait d’attendre la mort d’Itsrak et que Yaacov devienne Onen (un Onen est une personne qui vient de perdre un proche pour lequel il doit prendre le deuil et qui ne l’a pas encore enterré. Jusqu’à l’enterrement il ne peut faire aucune Mitsvot ni aucune Béraha. Il lui est donc interdit d’étudier la Torah).
Entre le décès d’Itsrak et son enterrement, Yaacov ne pourra pas étudier, et donc, l’immense mérite de se consacrer à l’étude de la Torah, ne le protégera plus.
Le Séfer Atérèt Doudaïm indique que cela contribue également à éclairer le message que Yaacov Avinou tente de transmettre à Essav. Yaacov dit à son frère : « Tu sais que lorsque j’étais dans la maison de mon père, j’étais un “habitant de la tente” qui étudiait jour et nuit. Lorsque j’ai quitté ma maison pour aller à la Yéshiva de Shem et de Éver, j’étudiais aussi jour et nuit. »
Yaakov est revenu de son séjour chez Lavan. Qu’a-t-il fait pendant ces 20 années ? Il a élevé du bétail. Il a travaillé pour gagner sa vie.
Essav se dit : « Mon frère a peut-être appris auprès de Shem et Éver, et peut-être aussi dans la maison de mon père, mais pendant ces 20 années, il a travaillé, il n’a pas étudié. Il est éleveur de bétail et il a très bien réussi. C’est maintenant ma chance. »
Selon l’Atérèt Doudaïm « Taryag Mitsvot Shamarti » ne signifie pas « J’ai accompli les 613 Mitsvot ». En réalité, Yaakov n’a pas accompli les 613 Mitsvot. Il a épousé deux sœurs. Il y a aussi d’autres choses qu’il ne pouvait pas accomplir en vivant hors d’Eretz Israël.
Le mot « Shamarti » (j’ai gardé) est similaire à l’expression « VéAviv Shamar et HaDavar » (Béréchit 37 ; 11) (et son père garda la chose) (après que Yossef raconte ses rêves à ses frères, ses frères sont jaloux, mais Yaacov, son père, garde ces paroles en mémoire. « Shamar » ici signifie que son père anticipait l’accomplissement de la promesse, il aspirait à voir le jour où les rêves de Yossef se réaliseraient.)
La même chose pour Yaacov, quand il dit qu’il a gardé les 613 Mitsvot, c’est-à-dire qu’il attendait, espérait le jour où enfin il pourrait se détacher de Lavan, retourner en Israël et recommencer à étudier la Torah.
Yaakov reconnaissait que, chez Lavan, il passait son temps dans les champs à garder les moutons jour et nuit.
Mais, durant tout ce temps, il aspirait au moment de retourner au Beith HaMidrash.
Lorsqu’une personne est au travail mais attend avec impatience de retourner au Bet HaMidrash, cela lui confère également le mérite de la Torah.
À ce propos, Rav Avraham Danzig était un Méhoutan du Gaon de Vilna. Il était homme d’affaires jusqu’à la faillite de son affaire. À ce moment-là, il accepta de devenir Dayan (juge) à Vilnius.
Une grande partie du « Kitzour Choulhan Arouh » de Rav Shlomo Ganzfried s’inspire des ouvrages antérieurs de Rav Danzig : le « Hayé Adam » et le « Hohmat Adam ».
L’auteur du « Hohmat Adam » était donc un homme d’affaires. Né à Dantzig, en Pologne, il exerçait son activité à Leipzig.
Dans son introduction au « Hohmat Adam », il écrit : « Je sais que certains murmureront à mon sujet et se demanderont : « Nous savons que cet homme d’affaires a vendu ses marchandises à Leipzig et à Francfort pendant les quinze dernières années. Quand a-t-il donc étudié la Torah pour se sentir aujourd’hui qualifié pour écrire des recueils Halahiques sur les lois de Orah Haïm et de Yoré Déa ? »
Sachez, mes frères, que mes longs voyages loin de chez moi n’avaient pas pour but, Hass VéChalom, d’amasser des richesses. Le Maître de l’univers témoignera en ma faveur. Je cherchais simplement à subvenir aux besoins de ma famille.
Voici une vérité qui s’applique à tout Juif : celui qui abandonne la Torah, s’il s’en éloigne et abandonne l’étude intensive de la Torah, alors la Torah s’éloignera également de lui et il perdra la capacité d’innover dans son étude.
Mais si une personne n’a pas l’intention de quitter la Torah, mais que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, elle ne peut plus s’y attacher avec la même ferveur qu’auparavant, alors, Hass VéChalom, que la Torah ne le quitte pas !
Celui qui, au cœur de ses affaires, aspire à retrouver l’étude de la Torah et à s’y consacrer à nouveau, conservera en lui la force créatrice de la Torah.
C’est ce que je dis de moi-même. Bien que j’aie voyagé dans des contrées lointaines pour mes affaires, la sagesse de la Torah m’a toujours accompagné.
Sur mes routes, mes pensées étaient tournées vers la Torah. Même au magasin, mes pensées étaient tournées vers la Torah. Il faut reconnaître que, même en faisant des achats et des ventes, mes pensées étaient souvent imprégnées de la Torah.
Mes collègues hommes d’affaires pourront témoigner que, même lors de mes voyages à Leipzig, je n’ai jamais manqué d’emporter avec moi une Guémara, un Houmach et une Mishna. Même pendant les grandes foires commerciales, j’étudiais quotidiennement un Daf et demi de Guémara, en plus des Mishnayot.
C’est ainsi que je peux écrire ces recueils de Halaha : parce que « Taryag Mitsvot Shamarti », parce que j’aspirais à retourner au Beith HaMidrash. »
C’est ce qu’a écrit Rav Avraham Danzig dans l’introduction de son livre.
Nous aussi, à chaque fois que nous voyageons et que nous voyons des gens sortir leur Guémara ArtScroll ou mettre leurs écouteurs pour écouter des cours de Torah dans un avion ou un train, souvenons-nous de ce qu’écrit Rav Danzig dans son introduction au « Hohmat Adam ».
On peut être amené à travailler dans le monde des affaires, mais tant qu’on aspire à la Torah et qu’on utilise chaque instant de temps libre pour se connecter à elle, alors la Torah ne nous quittera pas.
Et c’est ce que Yaacov a dit à Essav. « Essav, tu crois pouvoir m’avoir maintenant parce que j’ai perdu mon temps pendant plus de vingt ans ? Tu te trompes. Pendant tout ce temps, j’ai aspiré à revenir au Beith HaMidrash et, par conséquent, le mérite de la Torah m’a accompagné et m’accompagne encore. Ne crois surtout pas que tu peux maintenant t’en prendre à moi ! »
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« Yaacov envoya des messagers devant lui vers Essav son frère … en disant : ainsi vous parlerez à mon maître, à Essav : ainsi parle ton serviteur Yaacov, avec Lavan j’ai séjourné et j’ai tardé jusqu’à maintenant. » (Béréchit 32 ; 4-5)
Yaacov envoya des messagers à Essav et leur demanda de lui préciser qu’il avait vécu jusqu’alors chez Lavan.
Quel était le but de Yaacov en partageant cette information apparemment anodine ?
Rachi explique que la valeur numérique du mot « j’ai séjourné » (Garti גרתי) est 613, le nombre de Mitsvot dans la Torah. Autrement dit, Yaacov dit à Essav que, bien qu’il ait vécu dans la maison du Racha Lavan, il avait néanmoins observé les 613 commandements et qu’il n’avait pas été influencé par ses mauvaises voies.
Si Yaacov a respecté toutes les Mitsvot, n’est-il pas évident qu’il n’a pas été influencé par les mauvaises voies de Lavan ?
Pourquoi Yaacov a-t-il ressenti le besoin d’insister sur ce point qui allait de soi ?
Rav Yaacov Yitzchak Ruderman explique que Rachi nous enseigne subtilement qu’une personne peut observer toutes les Mitsvot tout en s’imprégnant des valeurs de son environnement étranger.
Il est possible d’observer la loi à la lettre sans en saisir le sens profond, notamment son esprit.
Par exemple, on peut organiser des mariages et des Bar Mitsvot parfaitement cashers, mais extrêmement fastueux, et une femme peut porter des vêtements conformes aux règles de pudeur, mais qui attirent l’attention et contreviennent aux principes fondamentaux de la Tsniout. Des parents peuvent inscrire leurs enfants dans les meilleures écoles sans pour autant leur consacrer du temps de qualité, ou pire encore, créer un foyer fondé sur des valeurs contraires à tout ce que leurs enfants apprennent à l’école.
Dans notre quête constante d’amélioration de notre pratique des Mitsvot, nous devons veiller à ce que nos actions ne soient pas entachées par la culture immorale et décadente qui nous entoure, afin qu’elles soient conformes non seulement à la lettre de la loi, mais aussi à son esprit.
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« Avec Lavan j’ai séjourné » (Béréchit 32,5)
Rachi explique que Yaacov voulait dire à Essav : « Je ne suis pas devenu prince ou notable mais je suis resté étranger. Tu n’as pas de raison de me haïr à cause de la bénédiction de ton père qui m’a béni en disant « Sois le maître de tes frères » car elle ne s’est pas réalisée avec moi. »
Rachi donne une autre explication : « Avec Lavan j’ai habité (Garti-גרתי) et malgré cela, j’ai respecté les 613 Mitsvot (en hébreu, Garti (j’ai habité) a les mêmes lettres que Taryag-תריג, 613 ».
Rachi donne deux explications, car dans notre Passouk : « Im Lavan Garti » (Avec Lavan j’ai séjourné) le mot « Garti » à deux traductions possibles :
- « Garti » : Je suis resté un étranger (לשון גר), je ne suis pas devenu quelqu’un d’important.
- « Garti » : J’ai habité.
S’il est vrai que le mot « Garti » a deux traductions possibles, pourquoi Rachi a-t-il besoin de rapporter ces deux explications ?
De plus quel est l’intérêt de dire à Essav qu’il a respecté les 613 Mitsvot, en quoi cela peut-il intéresser Essav ?
Le Noam Elimélèkh explique qu’en fait, Yaacov a demandé aux Anges qu’il a envoyés chez Essav, de dire qu’il n’est resté qu’étranger et qu’il ne doit donc pas le haïr (1ère explication de Rachi).
Mais en même temps, il leur a demandé de se tourner vers Hachem et par le même mot (Garti), ils Lui adresseront un message de prière selon lequel Yaacov a respecté les 613 Mitsvot (2ème explication de Rachi) et qu’il mérite donc Son aide.
Car c’est ainsi que les hommes justes se comportent. Ils adressent leurs propos à des humains, mais en même temps, ils y dissimulent des prières à Hachem.
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« Yaacov eut très peur et fut angoissé ». (32 ; 8)
Rachi explique que « Yaacov eut très peur » d’être tué, « et fut angoissé » s’il devait tuer les autres (Ahérim).
Que craignait vraiment Yaacov ? Il avait toutes les raisons de se défendre contre Essav.
Le Mélé HaOmer explique que Yaacov avait acheté à Essav le droit d’aînesse afin que le service au Temple soit assuré par les premiers-nés et qu’il en fasse partie.
Cependant, s’il tuait Essav, même par légitime défense, il ne pourrait plus servir au Beith HaMikdach. Un Cohen qui tue quelqu’un, même involontairement, ne peut plus servir au Temple.
C’est ce qui troubla notre Patriarche.
Rav Naftali Maryles (Rav de Litovisk du XIXe siècle) s’interroge sur la raison pour laquelle Rachi ajoute que Yaacov craignait de tuer les autres, « Ahérim » en hébreu, d’autres personnes.
Il ne craignait vraiment que de tuer son frère Essav, et non les hommes qui l’accompagnaient. Pourquoi alors, Rachi parle-t-il de « Ahérim » ?
La Guémara Guittine (56a) rapporte que César Néron finit par se convertir. Le célèbre Tanna, Rabbi Meir Baal Haness, disciple de Rabbi Akiba, était l’un de ses descendants.
Les Romains étaient des descendants d’Essav/Edom. Ainsi, Rachi écrit que Yaacov craignait de tuer Essav, ce qui aurait empêché la naissance de Rabbi Meir, appelé également « Ahérim Omrim, D’autres disent » au lieu de dire « Rabbi Méïr a dit » on dit « D’autres disent ».
La Guémara Horayot (14a) explique que Rabbi Méïr est appelé « Ahérim, D’autres », suite à une punition qu’il a reçu à cause d’un comportement inapproprié vis-à-vis de Rabban Chimon Ben Guamliel.
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« Si Essav vient contre un camp et le frappe, le camp restant sera sauvé » (Béréchit 32,9)
Rachi explique que Yaakov se prépara à la rencontre avec Essav à l’aide de trois éléments : le cadeau, la prière, et la guerre.
Le Sfat Emet commente : Les trois éléments de préparation de Yaakov, à propos de la rencontre avec son frère, apparaissent en allusion dans la Paracha du Chéma Israël.
Ceci afin de permettre à chaque juif de savoir comment atteindre un niveau très élevé dans le service Divin : « Tu aimeras Hachem ton D. de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton pouvoir » (Vaéthanan 6 ; 5).
« De tout ton cœur », c’est le service Divin que l’on a dans le cœur, c’est-à-dire la prière.
« De toute ton âme », c’est la guerre que l’homme mène contre son mauvais penchant.
« De tout ton pouvoir », ce sont les cadeaux, c’est-à-dire la Tsédaka et les actes de bonté.
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« Je suis plus petit que tous les bienfaits et que toute la vérité que Tu as faits à Ton serviteur » (Béréchit 32 ; 11)
Selon le Tana DéBé Eliyahou : « Katonti », je suis trop petit, se réfère à une petite chose, et une petite chose signifie la Tsédaka.
Le Hida cite le Mékoubal Rav Yéhouda Havilaï qui explique cela en citant les mots du Ari zal selon lesquels, dans les moments difficiles, il faut se souvenir de ses mérites. C’est pourquoi, lorsque Yaakov fut confronté à une période difficile, il se souvint qu’il avait donné son argent à la Tsédaka. Il a dit qu’il était devenu plus petit, c’est-à-dire que ses biens avaient diminué, grâce à toute cette bonté, c’est-à- dire grâce à toute la Tsédaka qu’il avait donnée.
Il a prié pour que le mérite de la bonté qu’il avait manifestée en donnant son argent à la Tsédaka lui permette d’être sauvé du danger.
Le Hida ajoute que nous pouvons en tirer la leçon suivante : Bien qu’on doive mentionner ses mérites dans les moments difficiles, on ne doit le faire que de manière cachée. On doit seulement faire allusion aux bonnes choses qu’on a pu faire, mais on ne doit pas en parler ouvertement.
En effet, si on parlait explicitement de nos bonnes actions, les anges accusateurs s’opposeraient à nous et souligneraient les défauts de nos Mitsvot.
Par conséquent, on ne doit que faire allusion à nos Mitsvot et savoir qu’Hachem est conscient de toutes nos bonnes actions.
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« Il (Yaacov) se leva cette nuit et prit ces 2 femmes et ses 2 servantes et ses 11 enfants » (Béréchit 32, 23)
Rachi demande et Dina, où était-elle ? Il répond : il l’avait mise dans un coffre et l’avait enfermée dedans pour que Essav ne pose pas ses yeux sur elle. Et pour cela, Yaacov a été puni car il l’a refusée à son frère, peut-être l’aurait-elle fait revenir vers le bon chemin. Et à cause de cela elle est tombée dans la main de Chéhem.
Cela est très étonnant, comment peut-on condamner Yaacov pour avoir empêché sa fille d’épouser un Racha comme Essav ?
Au contraire, cela aurait été considéré comme jeter sa fille aux lions !
Le Sabba de Kelm répond qu’en fait, Yaacov a bien fait d’avoir empêché Essav de voir sa fille Dina, ce que la Torah lui reproche ce n’est pas d’avoir voulu protéger sa fille, c’est d’avoir fermé la porte de la boite, sans avoir exprimé un regret en se disant : Peut-être que finalement, je prive Essav du repentir.
Hachem a puni Yaacov d’avoir verrouillé la porte fermement et sereinement, sans avoir un soupir pour son frère Essav.
Cela nous indique à quel point Hachem est exigeant avec les Justes et les sanctionne pour des considérations qui nous semblent minimes.
Mais aussi, cela nous apprend que même si parfois, nous pouvons être contraint d’agir avec rigueur, néanmoins, nous devons aussi en ressentir une certaine peine, d’avoir été amené à devoir agir ainsi. Et nous ne devons aucunement être à l’aise avec de tels comportements, même s’ils peuvent être parfois nécessaires.
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« Yaakov leva ses yeux et vit, et voici Essav venait » (Béréchit 33 ; 1)
Pourquoi ne suffit-il pas de dire que « Yaakov a vu Essav qui venait », qu’ajoute-t-on en disant qu’il a « levé les yeux » ?
Le Sifté Tsadik explique que la vision d’un Tsadik est extrêmement puissante. Comme nous le constatons dans de nombreux cas, son simple regard sur une personne Racha peut la détruire.
La Guémara Sanhédrin (100a) rapporte que Rabbi Yohanan expliqua dans un cours que Hachem fera un jour surgir des pierres précieuses et des perles de 30 Amot sur 30 Amot et qu’il y fera un creux de 10 Amot sur 20 et les installera aux portes de Jérusalem.
Un élève se moqua de lui : « Il n’existe même pas des pierres précieuses de la taille d’un petit oiseau, et nous pourrions en trouver d’aussi grosses ? »
Quelques jours plus tard cet élève fit un voyage en mer. Il vit des anges qui taillaient des pierres précieuses et des perles. « À quoi sont-elles destinées ? » Leur demanda-t-il. « Hachem les installera aux portes de Jérusalem ».
À son retour, il trouva Rabbi Yohanan En train d’exposer une leçon. « Continue maître, tu enseignes bien. Tout ce que tu as décrit, je l’ai vu moi-même ».
Rabbi Yohanan lui dit alors : « Misérable ! Si tu ne l’avais pas vu, tu ne m’aurais pas cru ? Tu tournes en dérision la parole des Hahamim. »
Il arrêta son regard sur lui et l’homme ne fut plus qu’un tas d’ossements.
Mais le Tsadik a également la capacité d’élever celui qui est regardé (Midrash Tanhouma Vayéchev).
En posant son regard sur Essav, Yaacov espérait attiser cette petite étincelle de bonté qui existe même chez les personnes apparemment les plus éloignées. S’il avait réussi, Essav aurait battu en retraite.
Bien qu’il n’y soit pas parvenu, son regard a engendré chez Essav un amour sincère à son égard, et éprouver de l’amour pour un Tsadik, même brièvement, n’est pas un accomplissement insignifiant.
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« Yaacov arriva en paix dans la ville de Chéhèm qui est dans la terre de Kénaan … il campa devant la ville. » (Béréchit 33 ; 18)
Rachi rapporte la Guémara Chabbat (33b) qui explique le terme « en paix » du Passouk ainsi :
- Entier dans son corps, car il avait guéri de sa luxation.
- Entier dans son argent, car il ne lui manquait rien malgré tous les cadeaux qu’il a donnés à son frère.
- Entier dans sa connaissance de la Torah, car il n’avait pas oublié son étude dans la maison de Lavan.
Le Midrash Béréchit Rabba (79 ; 6) rapporte que Yaacov arriva à Chéhèm juste avant le début du Chabbat et établit un Érouv Téhoumine.
(Durant Chabbat et Yom Tov, il est interdit de sortir de la ville, (ou de l’endroit) où l’on se trouve, à plus de 2000 Amot (environ 960 mètres) même si l’on ne porte rien en poche ou dans ses mains. Celui, qui durant Chabbat, doit se rendre à 4000 Amot au nord de la ville, doit, avant Chabbat, poser une quantité de pain ou d’autres aliments, à 2000 Amot de la ville, au nord, afin de pouvoir bénéficier de 2000 Amot supplémentaires, dans cette direction. Le Érouv ne permet pas de se rendre à plus de 4000 Amot en tout).
Yaacov a fait ce Érouv Téhoumine afin de pouvoir entrer dans la ville de Chéhèm pendant Chabbat.
La Guémara Yoma (28b) enseigne qu’Avraham accomplit la Mitsva de l’Érouv Tavchiline.
(Lorsqu’un jour de Yom Tov tombe un vendredi, il est interdit pendant Yom Tov de cuire et de faire certains autres travaux pour le lendemain Chabbat (bien que la cuisson pour le Yom-Tov soit permise). Tous les travaux nécessaires pour la préparation du Chabbat doivent être réalisés avant l’arrivée de Yom Tov. Si l’on veut cuire et effectuer certains travaux pour le Chabbat, il faut faire un Érouv Tavchiline. Le Érouv Tavchiline permet uniquement certains travaux pour les préparatifs du Chabbat durant Yom-Tov et non durant Chabbat. Il suffit de réserver à cet effet un pain ou une Matsa (à Pessah) et un aliment cuit (poisson, viande, œuf, etc.) en tant que Érouv Tavchiline.)
Le Méchèh Hohma suggère que ces deux Mitsvot liées au Chabbat, l’Érouv Téhoumine et l’Érouv Tavchiline, associées à Avraham et à Yaacov, illustrent la différence dans leur manière de servir Hachem.
Bien que leur but ultime fût le même, créer une demeure pour Hachem en ce monde, ils employèrent des méthodes distinctes pour atteindre cet objectif.
La mitsva d’Érouv Tavchiline illustre la manière unique dont Avraham invitait des hôtes dans son auberge et où il les instruisait sur Hachem tout en partageant son repas (Guémara Sota 10b).
Rambam (Hilchot Avodat Kochavim 1 ; 3) écrit que, où qu’il aille, il rassemblait les gens pour leur prouver l’existence de Hachem.
L’approche d’Avraham pour faire connaître Hachem au monde se faisait en public.
Yaacov, en revanche, ne cherchait pas à convertir les autres à ses croyances religieuses. C’était un homme discret qui passait son temps dans les tentes d’étude de la Torah (25 ; 27). Yaacov se concentrait sur l’édification du peuple juif de l’intérieur, c’est pourquoi il est associé au Érouv Téhoumine (les limites, les frontières) qui symbolisent ses efforts pour protéger sa famille des influences extérieures.
Plutôt que de chercher à faire connaître Hachem aux autres, il s’attachait à créer un lieu de repos pour Hachem au sein de sa propre maison.
Nous pouvons ainsi mieux comprendre pourquoi Avraham était plus enclin à se rendre en Égypte, y voyant une nouvelle occasion de diffuser son idéologie, alors que Yaacov, qui ne cherchait pas à influencer autrui de cette manière, préférait demeurer à l’écart, au pays de Goshen (Genèse 46 ; 28).
Cela nous aide également à comprendre pourquoi Yaacov n’a jamais tenté de persuader son beau-père Lavan d’abandonner ses pratiques idolâtres et était troublé qu’un membre de sa famille puisse voler les idoles de Lavan (31 ; 32).
Pour cette même raison, Yaacov plaça sa fille Dina dans un coffre pour la soustraire à Essav (Rachi 32 ; 23) plutôt que de lui permettre de l’épouser et de tenter de le convertir, car cela n’était pas sa méthode.
Yaacov établit des frontières afin de rester à l’écart et de se concentrer sur la construction de la nation juive de l’intérieur.
Rav Wahrsager ajoute que ce thème est particulièrement pertinent pour la fête de Hanouka, qui commémore notre victoire sur les Grecs. Plus que toute autre fête, la célébration de Hanouka met l’accent sur le concept de « Pirsoumé Nissa » (la diffusion du miracle). Cependant, cette diffusion ne se fait pas par des panneaux publicitaires tape-à-l’œil et des enseignes lumineuses.
Au lieu d’allumer la Ménora en public, nous l’allumons (idéalement) près de la porte de nos maisons, soulignant ainsi la frontière qui sépare la sainteté de nos foyers du monde extérieur.
Symboliquement, nous proclamons que des miracles se produisent pour ceux qui bâtissent des maisons où Hachem est accueilli, tandis que le monde extérieur demeure à sa place.
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