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LA HAGADA DE PESSAH, « J’AI L’AIR D’AVOIR 70 ANS »
Il y a une question connue dans la Hagada : Que vient nous apprendre la Mishna de Bérahot (12b) qu’on cite au début de la Hagada : « Rabbi Eléazar ben Azaria dit : “Aré ani” j’ai l’air d’avoir 70 ans, mais je n’ai pas réussi à démontrer l’obligation de mentionner la sortie d’Egypte toutes les nuits ; jusqu’à ce que Ben Zoma le déduise d’un Passouk … »
Cette Mishna nous apprend que l’on doit dire le Shéma tous les jours de l’année, non seulement le matin mais aussi la nuit. Donc, apparemment, cela n’a aucun rapport avec le Séder du soir de Pessah qui ne se déroule qu’une seule fois dans l’année et pendant lequel il est évident qu’on doit mentionner la sortie d’Egypte puisque c’est justement cet événement qu’on célèbre !
(Une discussion était née entre les Hahamim, à la suite de laquelle Rabban Gamliel fut démis de ses fonctions de Président du Sanhédrine et Rabbi Eléazar ben Azaria fut nommé Rosh Yéshiva. Rabbi Eléazar était alors âgé de 18 ans, mais un miracle survint et 18 rangées de poils blancs poussèrent dans sa barbe, ce qui lui conféra l’apparence et la dignité des autres sages, comme s’il était âgé de 70 ans. (Guémara Bérahot 28a)
A cette époque, Rabbi Eléazar était en controverse avec ses collègues. Lui était d’opinion que c’était une obligation d’inclure la Parasha des Tsitsit dans la lecture du Schéma du soir, car, bien que la Mitsva des Tsitsit ne s’applique pas à la nuit mais au jour seulement, on doit cependant réciter cette Parasha des Tsitsit aussi le soir afin de mentionner le sujet de la sortie d’Egypte qui y figure et rappeler ainsi les miracles d’Hashem.
Ses collègues maintenaient qu’il n’était pas nécessaire de réciter la Parasha des Tsitsit la nuit et qu’il suffit de la prononcer le jour. Ce débat dura très longtemps, chaque partie maintenant son opinion sans réussir à convaincre l’autre. Le jour où Rabbi Eléazar fut nommé Rosh Yéshiva, un grand sage du nom de Ben Zoma apporta une preuve d’un Passouk que la Parasha des Tsitsit, contenant la mention de la sortie d’Egypte, doit être récitée la nuit aussi bien que le jour, comme l’affirmait Rabbi Eléazar.
C’est alors que Rabbi Eléazar ben Azaria s’exclama : « Je parais certes âgé de soixante-dix ans, mais je n’ai pas eu le mérite de convaincre mes collègues par quelque argument de poids en leur démontrant l’obligation de mentionner la nuit la sortie d’Egypte, jusqu’à ce que Ben Zoma intervienne et déduise cette obligation de la Tora. »
Le Méam Loez explique ainsi les paroles de Rabbi Eléazar ben Azaria : « Malgré ma position honorable, et bien que j’ai eu le privilège de jouir du grand miracle de voir ma barbe blanchir, ce qui me confère l’apparence d’un septuagénaire, je n’ai pas réussi à convaincre mes collègues, alors que Ben Zoma, plus jeune que moi et qui, vu son âge n’a pas encore mérité d’être appelé par son nom de Rabbi Shimon mais par celui de son père, fils de Zoma, a su apporter une preuve concluante pour appuyer son opinion. »
Par cette attitude, Rabbi Eléazar fit preuve d’une grande humilité, en effet, l’intervention décisive de Ben Zoma était survenue le jour même où il fut désigné Rosh Yéshiva. Rabbi Eléazar s’adressa ainsi aux autres sages : « Malgré ce grand miracle de voir subitement ma barbe blanchir au cours d’une seule nuit, ce qui prouve que le ciel me choisit et me juge digne de remplir la fonction de dirigeant de la génération, ce n’est pas une raison pour que vous me considériez comme un grand sage, expert dans toute la Loi, car, pour une question aussi simple que la récitation du Schéma, je n’ai pas réussi à apporter une preuve à l’appui de mon opinion jusqu’à ce que Ben Zoma apporte la sienne.»)
Que vient donc nous enseigner cette Mishna insérée dans la Hagada ? La Guémara Yébamot (16a) nous rapporte qu’un jour Rabbi Yéhoshoua, Rabbi Eléazar ben Azaria et Rabbi Akiva sont allés chez Rabbi Dossa ben Arkinass au sujet d’un certain problème. Rabbi Dossa ben Arkinass était un grand sage mais il était trop âgé pour venir lui-même à la Yéshiva, ce sont donc eux qui sont déplacés.
Quand ils entrèrent, le sage embrassa Rabbi Yéhoshoua qui fut prié de s’asseoir sur un divan tissé d’or. Il embrassa aussi Rabbi Eléazar ben Azaria et l’installa également sur un divan tissé d’or. Quand on lui présenta Rabbi Akiva, il lui demanda : « Est-ce que tu es ce Rabbi Akiva dont le nom est illustre d’un bout du monde à l’autre ? Assieds-toi mon fils, fasse le Ciel qu’il y ait beaucoup de gens comme toi en Israël. »
Une question se pose : Pourquoi n’a-t-il pas dit la même chose à Rabbi Eléazar ben Azaria qui était aussi un grand Talmid Haham ?
En fait, Rabbi Eléazar ben Azaria était un descendant direct de la dixième génération depuis Ezra, si on souhaite à quelqu’un d’être comme Rabbi Eléazar ben Azaria il pourrait répondre : « Qui suis-je pour être comparé à lui ? Mon grand père était un homme simple, je viens d’une famille simple et je n’ai aucune chance de pouvoir un jour égaler Rabbi Eléazar ben Azaria. »
Par contre, Rabbi Akiva n’avait aucune ascendance illustre. C’est par son travail personnel qu’il est arrivé là où il est. On peut donc espérer, nous aussi, à force de travail lui ressembler. Il était l’exemple même que celui qui se fatigue dans l’étude de la Tora peut parvenir au sommet.
C’est également l’enseignement qu’on peut tirer de la Mishna de Rabbi Eléazar ben Azaria citée dans la Hagada : « Aré ani » C’est-à-dire, venez, je vais vous dire qui je suis :
- Premièrement, je suis la dixième génération après Ezra, donc je suis quelqu’un d’important de par mon ascendance et on doit donc m’écouter.
- Deuxièmement, je suis très riche, (la Guémara Shabbat (54b) nous rapporte que son Maasser s’élevait à 12000 têtes de bétail par an. C’est-à-dire que quand il prélevait le Maasser de son bétail il devait en donner un dixième et ce dixième s’élevait à 12000 têtes de bétail. C’est dire s’il était riche !), et c’est aussi une bonne raison de m’écouter. (Très souvent quelqu’un de très riche a le dernier mot).
- Troisièmement, lorsqu’on a cherché un remplaçant à Raban Gamliel, le seul qu’on a trouvé c’est moi ! Un jeune homme de 18 ans. Je suis donc très important et un également un grand érudit en Tora.
- De plus, on dirait que j’ai 70 ans, c’est-à-dire que même du Ciel on accepte ma nomination.
Et malgré toutes ces bonnes raisons, les autres Hahamim n’ont pas accepté mon opinion de réciter le Shéma la nuit, jusqu’à ce que Ben Zoma le déduise d’un Passouk. Pourtant, la Guémara Sanhédrine nous dit que Ben Zoma était comme un élève devant les autres Hahamim, qu’il n’avait pas reçu la Sémiha (ordination) et qu’on l’appelait du nom de son père : le fils de Zoma, comme si lui-même n’avait pas de nom et donc pas d’importance. Celui qui n’a pas de nom n’existe pas par lui-même. Et pourtant, c’est de lui qu’on apprend qu’on doit dire le Schéma la nuit ! Il n’a ni ascendance illustre, ni richesse, ni grandeur spéciale, si ce n’est la grandeur de son Limoud Hatora.
Nous apprenons donc de cette Mishna une chose extraordinaire : nous sommes tous égaux devant l’étude de la Tora, tout le monde a sa chance, il suffit de vouloir et de s’accrocher. Même Rabbi Akiva qui descendait d’une famille de convertis et qui a fait Téshouva à quarante ans a réussi, grâce à ses efforts, à dépasser tout le monde. Il est la preuve vivante que si, lui réussit, tout le monde peut réussir, ce n’est qu’une question de volonté.
Un jour, un jeune homme s’est présenté devant un grand Rav qui lui a demandé : « Qui es-tu ? » Le jeune homme lui a alors répondu : « Je suis le fils d’untel, petit-fils d’untel, arrière petit-fils d’untel. » le Rav lui a rétorqué : « Je t’ai demandé qui TU es, TOI, pas tes ancêtres. » L’ascendance illustre c’est une succession de zéros qu’on place après le chiffre 1. Un zéro est utile pour augmenter la somme, quand au début il y a au moins le chiffre 1, mais s’il n’y a rien alors tous ces zéros qui s’alignent, à la fin du compte, cela ne fait que zéro. La même chose avec l’ascendance, elle prend toute sa valeur si on est soi-même quelqu’un, mais elle ne sert à rien si on n’est rien du tout.
Un jour, un jeune homme se vantait ainsi devant son ami : « Moi je descends d’une grande lignée, mais toi d’où viens-tu et qui es-tu ? » L’autre lui répondit : « Toi tu es la fin de cette grande lignée, moi je suis le début d’une nouvelle grande lignée. »
Nous avons en nous la force de tout commencer et de tout réussir, à nous de nous convaincre que nous y sommes capables.
Hag Saméah
