Balak

PARACHAT BALAK

La Michna dans Avot (5 – 19) nous enseigne : “Celui qui possède les trois qualités suivantes est un disciple d’Avraham. Celui qui a les trois vices opposés est un disciple de Bilam l’impie. La générosité, l’humilité et l’abnégation caractérisent les disciples d’Avraham. L’envie, l’orgueil et l’ambition caractérisent les disciples de Bilam.”

Le Hafetz Haïm fait remarquer sur cette Michna que si les élèves de Bilam Haracha sont dépeints de la sorte, jusqu’à où allait la méchanceté de Bilam lui-même ?

Et malgré cela, Hachem a fait descendre sur lui sa Chéhina et lui a parlé pour le bien du Klal Israël. Nous pouvons en déduire l’amour débordant d’Hachem pour son peuple.

Le Or Yael va même plus loin, il affirme que ces trois qualités spécifiques des élèves d’Avraham, sont les trois clés qui ouvrent à l’homme le monde futur. Et que toutes les bonnes actions que nous faisons, trouvent leur source dans ces trois attributs.

On raconte qu’un jour Rabbi Israël Salenter devait faire une conférence dans une salle appartenant à un riche commerçant. Juste avant le début du cours un homme est arrivé disant qu’il désirait adresser au public afin de ramasser de l’argent pour une noble cause. Le propriétaire des lieux s’y est opposé, prétendant qu’il ne voulait pas que le cours commence en retard afin de donner à la Torah toute la préséance qui lui est due.

Rabbi Israël Salenter s’est alors adressé à lui et lui a dit : « il est écrit dans la Torah : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tu es riche, tu n’as besoin de rien et tu désires écouter sans attendre des paroles de Torah. C’est tout à ton honneur. Mais pour ce faire, tu refuses qu’un pauvre homme s’adresse au public pour récolter des fonds. Et tu voudrais que lui aussi n’ait qu’une seule envie : écouter cette conférence. Tu aimerais qu’il soit comme toi.

Mais ce n’est pas la bonne explication du verset. Quand la Torah nous a demandé d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, elle voulait que nous réfléchissions à ce que nous aurions fait à sa place.

Aime ton prochain comme toi-même signifie : si tu étais à sa place, dans la même situation financière et médicale que lui, qu’elle aurait été ta réaction ? Aurais-tu voulu écouter le cours ou aurais-tu préféré parler au public. Pour ramasser de l’argent ? »

Comment rester indifférent aux malheurs qui nous entourent ? Quelle place tient l’autre dans ta vie ? 

Le Baal Hatanya dit que Hachem ne s’est adressé à l’homme que deux fois avec le terme “Hayé”. A Kaïn qui venait de tuer son frère Il lui a dit : Hé Hével Ahiha ? (Où est Hével ton frère ?) Et à Adam Harichon il lui a dit : “Hayéka ?” (Où es-tu ?) 

Le Baal Hatanya explique qu’à travers ces deux interrogations, Hachem donne à l’homme deux directions dans sa vie:

  • La première, “Où est Hével ton frère ?” Ton frère, c’est-à-dire, ton frère juif, où est-il ? Compte-il pour toi ? T’inquiète-tu pour lui, ou es-tu capable de faire un festin pour le repas de Chabbat en sachant qu’à quelques rues, peut-être même dans le même immeuble que toi, vit une famille juive dans le besoin qui passera un Chabbat dans la pauvreté absolue. 
  • La deuxième, “Où es-tu ?” C’est-à-dire, toi où en es-tu dans ta relation avec Dieu ? Fais-tu ton maximum ? 

Ces deux questions doivent accompagner l’homme tout au long de sa vie. Sa relation avec Hachem et sa relation avec son prochain. L’un ne va pas sans l’autre. 

Un jour, le Rabbi Haïm de Tsanz a reproché à un de ses élèves de ne pas s’occuper d’un certain pauvre de la ville qui avait perdu son travail et dont les enfants avaient faim. L’élève s’est défendu en disant : « Je ne savais pas qu’il était dans cette situation dramatique. »

Le rabbi lui répondit : « Je ne savais pas » n’est pas une réponse recevable. Nous voyons dans la Paracha que Bilam a dit à l’ange (22,34) « J’ai péché car je ne savais pas (que tu te tiens à ma rencontre). »

On peut s’interroger sur ses paroles : s’il ne savait pas, en quoi a-t-il péché ?

De là, a conclu le Rabbi de Tsanz, nous pouvons en déduire que le fait même de ne pas savoir est une faute en soi !

La Michna de Avot se termine en disant : Quelle différence y a-t-il entre les uns et les autres ? Les disciples d’Abraham jouissent en ce monde et hériteront du monde futur. Mais les disciples de Bilam hériteront du Guéhinam.

À première vue la fin de cette Michna nous surprend. L’expérience ne semble-t-elle pas prouver que ce sont les disciples de Bilam qui réussissent dans ce monde-ci, qui dominent et prospèrent, tandis que les disciples d’Abraham doivent le plus souvent renoncer aux plaisirs de ce monde et que seul le monde futur leur appartient ?

Mais, notre Michna nous apprend qu’il n’en est rien ! Elle nous affirme au contraire que les disciples d’Abraham jouissent des biens de ce monde et qu’ils héritent entièrement le monde futur. Quant aux adeptes de Bilam, leur vie terrestre est déjà le commencement du châtiment. Il est vain de prendre comme critère du bonheur ou du malheur la réussite ou l’échec dans la vie matérielle.

C’est Hachem qui distribue les cartes. Chélomo Hamélèh a écrit dans Kohélèt (2 – 26) : « C’est à l’homme qui Lui plaît qu’Il donne sagesse, intelligence et joie. Tandis qu’aux pêcheurs, il impose la corvée de recueillir et d’entasser des biens qu’il fait passer ensuite à celui qui jouit de la faveur divine. »

Les disciples de Bilam regardent avec mépris ceux qui pratiquent le bien, et les considèrent comme des êtres bornés. Ils pensent que seuls ceux qui n’ont pas de scrupules réussissent dans la vie. 

Mais, en réalité, celui qui agit avec bonté agit aussi avec sagesse, car c’est Hachem qui est la source de toute bonté et de toute sagesse. Seul celui qui a acquis la sagesse de la Torah saura ce qui lui appartient de droit. Lui seul connaîtra les jouissances qui lui sont permises. Les renonciations que la Torah lui demande cessent d’être des sacrifices pour lui dès lors que c’est Hachem qui les lui impose. Telle est la force inhérente à une bonne action, celui qui l’accomplit n’éprouve aucun sentiment de frustration, il n’a aucun regret pour des plaisirs qui lui serait interdits. Il est heureux dans la part que Hachem lui a accordée. Il n’est pas animé par trois vices cités dans une autre Michna de Avot (4 – 21) à savoir : la jalousie, l’envie et l’ambition, dont il a été dit qu’ils font mourir l’homme prématurément. 

Les disciples d’Avraham sont seuls capables de jouir vraiment des biens de ce monde. Bien que ce qu’ils recherchent c’est la récompense du Monde futur, ils sont aussi dignes de participer aux joies de ce monde-ci. 

Les disciples de Bilam, eux, ne savent pas jouir des plaisirs de ce monde, auxquels pourtant ils sont désespérément attachés. Leurs désirs ne sont jamais satisfaits, car chaque jouissance en appelle une autre. Ils tremblent à l’idée de pouvoir perdre ce qu’ils possèdent. De voir d’autres plus riches, plus honorés qu’eux-mêmes, les rend littéralement malades. Aussi, non seulement ils n’ont rien à espérer des joies du monde futur, mais même les satisfactions que peut réserver ce monde-ci leur échappent également. Leur vie terrestre est un enfer.

C’est ce que comprendra, un peu tard, Bilam lui-même dans un de ses discours dans lequel il s’est écrié : « Que meure mon âme de la mort de ceux qui sont droits et que ma fin ressemble à la leur. » (Bamidbar 23 ;10) 

Mais il n’est évidemment pas possible de mourir comme Abraham après avoir vécu comme Bilam !

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