Pinhas

PARACHAT PIN’HAS

La Paracha de la semaine dernière s’est finie sur l’épisode des filles de Moav venues inciter un bon nombre d’hommes juifs à la débauche et à l’idolâtrie. Le scandale atteint son comble lorsqu’un chef de tribu, Zimri, conduit, aux yeux de tous, une non-juive sous sa tente. Aussitôt Pinhas, petit-fils d’Aharon, s’élance, le javelot à la main et venge l’honneur d’Hashem en tuant les deux coupables.

La Paracha de cette semaine s’ouvre avec la confirmation par Hashem de la réhabilitation de l’honneur du peuple par le geste vengeur de Pinhas : « Hashem parla à Moché en disant : Pinhas retira ma colère contre les Béné Israël en prenant Ma vengeance de parmi eux et je n’ai pas détruit les Béné Israël dans Ma vengeance. C’est pourquoi Je lui donne Mon alliance de paix. » (Bamidbar 25 ; 10 à 12)

Afin de comprendre toute la portée du geste de Pinhas nous devons réfléchir sur la faute commise par le Klal Israël.

La Tora nous dit que : « le peuple commença à agir immoralement avec les filles de Moav. Elles appelèrent le peuple aux fêtes de leurs divinités et le peuple mangea et ils s’inclinèrent devant leurs divinités. Israël devint attaché à Baal Péor et la colère d’Hashem s’enflamma contre Israël. » (Bamidbar 25 ; 1 à 3)

Le culte de Baal Péor exigeait de ses adorateurs qu’ils mangent et boivent, puis fassent leurs besoins devant l’idole. Ce culte symbolise toute la philosophie des nations : vivre afin de satisfaire ses désirs physiques ! Cette impudeur absolue s’oppose diamétralement au concept de pudeur de la Tora.

La Guémara Sanhedrin (64a) donne la parabole suivante : La femme d’un idolâtre était un jour très malade. Ce dernier fit un vœu : « Si ma femme guérit, elle ira adorer chaque idole de ce monde ». Elle guérit et se mit à célébrer chaque idole du monde. Quand elle arriva au culte de Baal Péor, elle demanda à ses prêtres : « Comment sert-on ce dieu ? » Ils lui répondirent : « On mange des légumes verts et on boit de la bière et puis l’on fait ses besoins devant l’idole ». Le mari déclara : « Je préfère que ma femme retourne à sa maladie plutôt que de servir ainsi une idole »

L’idolâtrie consiste en la déification d’un objet ou d’une force de la réalité créée. Les anciens servaient le soleil parce qu’il leur tenait chaud et nourrissait leurs cultures. La lune, le vent, la terre, l’eau et les arbres étaient également des dieux que l’on devait remercier et supplier pour les dons qu’ils attribuaient aux hommes. C’était comparable à remercier le marteau pour la construction d’une maison ou la charrue pour la récolte annuelle, plutôt que le créateur de ces instruments.

Toutefois chaque idolâtrie possède une certaine logique et même si l’on se trompe, on vénère une source présumée de vie et de nourriture, à l’exception de celui de Baal Péor qui consiste en la pratique païenne de vénérer ses propres excréments. Ici la personne adore les déchets, ce qui a été laissé et rejeté une fois que tout le potentiel de nourriture a été extrait de toute substance.

Un nombre significatif des Béné Israël rejoignirent les Moabites dans le culte de Baal Péor. Ils étaient à la fin de leur long voyage vers la Terre Sainte, et pourtant ils succombèrent à la forme d’idolâtrie la plus irrationnelle et la plus répugnante sur la face de la terre. En réalité, c’est justement leur proximité de la Terre Sainte qui les rendit plus vulnérable à l’idolâtrie de Péor.

La transition d’un peuple voyageant à travers le désert à un peuple établi sur sa terre était celle d’une vie totalement spirituelle à une vie d’engagement dans le monde matériel. Dans le désert, le Peuple d’Israël était nourri du miraculeux pain céleste, la Manne, et du puits de Myriam, pendant que les nuées de Gloire les protégeaient et préservaient leurs vêtements. Tous ces miracles leur permettaient de rechercher la sagesse de la Tora et de communier avec Hashem, libres de tout souci matériel.

Mais une fois qu’ils allaient traverser le Yarden, le pain céleste allait être remplacé par le pain de la terre, pain pour lequel il faudrait déployer un dur labeur physique : labourer, semer, récolter et s’engager dans de multiples travaux pour obtenir la nourriture de la terre.

C’est pourquoi la génération rejeta la Terre, préférant le havre spirituel du désert aux tribulations et aux défis de l’installation d’un état. Ils ne réussirent pas à comprendre que le but de la vie sur terre n’est pas d’échapper au monde matériel. Car Hashem les avait fait sortir d’Egypte et leur avait donné la Tora pour qu’ils entrent en terre d’Israël, s’y installent et commencent à en faire la Terre Sainte, une terre réceptive à la sainteté.

Mais une nouvelle génération avait pris leur place, une génération élevée dans l’esprit de la mission d’entrer sur la Terre et d’accomplir le désir divin d’une résidence ici-bas. C’est cette génération qui, à la veille de la réalisation de sa mission de sanctifier le matériel, fut la proie de l’idolâtrie de Péor.

Il est de la nature de notre personnalité que chaque acte physique constructif soit accompagné d’une sensation de plaisir.

  • Manger est capital pour survivre, de sorte que la consommation de nourriture est un acte agréable.
  • Le corps a besoin de repos, aussi désirons-nous et apprécions-nous le fait de dormir etc….

Ainsi le plaisir résulte-t-il d’actes remplissant un dessein. Manger, dormir, etc…. Tous ont un but : soutenir et perpétuer une vie physique qui sert la volonté Divine.

Le plaisir séparé de son dessein, le plaisir pour l’amour du plaisir, est un plaisir corrompu, un détournement de sa fonction, et de son utilité. Un acte physique possède un sens et une validité dans la mesure où il sert un but divin dans la création. Quand le plaisir associé à l’acte devient son but ultime, c’est un acte vide, un acte dépouillé de son âme et de sa vitalité divine.

C’est là le sens profond du culte de Baal Péor. Les idolâtres de Péor vidaient leurs corps de leurs déchets. Pour eux, seule la matière, même celle qui avait été complètement dépouillée de son potentiel vital, était l’objet de vénération. La pensée même d’un tel culte peut paraître répugnante à n’importe quel individu sain mais c’est exactement ce que fait un individu qui considère le physique comme désirable, plutôt que son contenu vital, son potentiel à servir le but divin dans la création.

C’est là l’erreur de ceux qui s’adonnèrent au culte de Baal Péor à la veille de leur entrée en terre d’Israël. Leurs parents n’auraient jamais fait une telle erreur, en fait la Manne qui les soutenait ne produisait aucun déchet physique, elle était complètement absorbée par leur corps et convertie en énergie vitale. Le concept même de déchet leur était inconnu. Mais c’était maintenant une nouvelle génération, une génération élevée dans l’idéal de rendre sainte une terre, une génération qui avait appris que le but de la création se réalise à l’intérieur même de l’existence matérielle. En faisant la transition d’une vie entièrement spirituelle à la vie matérielle demandée par la Tora, ils firent un pas de trop en venant à considérer le physique comme sacré à part entière, plutôt que comme l’aliment qui vitalise une vie dans le service d’Hashem.

Moché ne put empêcher la dégradation d’Israël. C’est le petit-fils d’Aharon, Pinhas, qui mena l’action et éradiqua Baal Péor alors que tous les chefs d’Israël étaient paralysés. Pourquoi ?

A cette époque, Pinhas n’occupait aucune position importante dans la direction spirituelle d’Israël. Il n’était pas même un Cohen, bien qu’il fût le petit-fils d’Aharon. On l’insulta parce qu’il était le petit-fils d’un idolâtre. (Pinhas était le fils d’Éléazar Hacohen lui-même fils d’Aharon Hacohen, frère de Moché. Or, Éléazar s’était marié avec une descendante de Yitro qui était prêtre des idoles. Pinhas était donc le petit-fils d’un idolâtre.)

Mais c’est précisément à cause de son statut qu’il put vaincre l’idolâtrie de Péor. La véritable marque de la Téchouva (repentir) est de se retrouver dans la situation dans laquelle précédemment on a pêché, et de ne pas succomber. En dernier ressort, un état négatif peut être rectifié en le transcendant ou en y échappant mais seulement de l’intérieur. La vérité spirituelle de Moché peut être la réfutation ultime de Baal Péor, mais une fois que le peuple d’Israël eut pénétré dans la grossière matérialité de l’idole, il ne pouvait en être extrait que par le descendant d’un idolâtre.

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