PARACHAT VAYÉRA
Cette semaine, notre Paracha nous raconte la Akédat Itsrak : Hashem demande à Avraham de sacrifier l’unique fils qu’il avait de Sarah, Itsrak.
Avraham se lève tôt le matin pour aller jusqu’à l’endroit qu’Hashem lui indique. Là-bas : Avraham construisit l’autel, disposa les bois et ligota son fils Itsrak et le posa sur l’autel au-dessus des bois.
Avraham étendit sa main et prit le couteau pour sacrifier son fils. Puis un ange d’Hashem lui dit : « N’étends pas ta main vers l’enfant et ne lui fait rien car maintenant Je sais que tu crains Hashem. »
Alors : « Avraham leva ses yeux et vit un bélier, il le prit et le sacrifia en holocauste à la place de son fils. »
Alors un ange d’Hashem appela Avraham une seconde fois et lui dit : « Par moi-même J’ai juré, parole d’Hashem, parce que tu as fait cette chose-là et tu n’as pas épargné ton fils, Je te bénirai et Je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est au bord de la mer etc.… » (Béréshit 22 ; 9 à 18)
Une question se pose : Pourquoi l’ange a-t-il attendu la deuxième fois pour bénir Avraham ? C’est comme si le fait de sacrifier un bélier est plus grand que sacrifier son fils. La première fois quand il a voulu sacrifier Itsrak, l’ange l’en a empêché mais il ne l’a pas béni pour autant, mais ensuite quand il a sacrifié un bélier à la place de son fils l’ange lui a donné plein de bénédictions. Pourquoi ?
Afin de répondre à cette question nous nous aiderons d’une histoire qui s’est passé avec Rav Arié Lévine en Eretz Israël quand il y avait encore le mandat britannique.
On appelait Rav Arié le Tsadik de Jérusalem mais aussi le père des prisonniers. A cette époque, les Britanniques, qui gouvernaient alors le pays, poursuivaient et incarcéraient ceux qui les combattaient. Il y avait donc beaucoup de juifs dans les prisons anglaises. Rav Arié allait les visiter régulièrement, chaque Shabbat et chaque Yom Tov. Jamais ni la pluie ni la neige ne l’en ont empêché, et même pendant les époques les plus troublées malgré les risques encourus. Il allait chez les parents des prisonniers pour leur transmettre de leurs nouvelles ou, à l’inverse, il faisait passer des messages des familles à l’intention des détenus qu’il dissimulait dans les grandes poches secrètes qu’avait cousu à cet effet sa femme. Il remuait ciel et terre, frappait à la porte des rabbins, des ministres et des personnages haut placés pour commuer la peine des condamnés à mort.
Il a obtenu du directeur de la prison que les juifs et les arabes soient placés dans des cellules distinctes. Il a même réussi à faire construire une cuisine séparée cachère pour les prisonniers.
L’anecdote qui nous intéresse se passe donc pendant cette période trouble de l’histoire de la création de l’état d’Israël. Rav Arié Lévine doit aller rendre visite aux prisonniers, mais les Britanniques ont décrété un couvre-feu, personne n’a donc le droit de sortir de chez lui sous peine d’être arrêté. Que faire ? Rav Arié décide de prendre ce risque car dans la prison on l’attend …
En chemin il croise deux soldats britanniques, un juif et l’autre non. Le soldat juif qui a entendu parler du Tsadik et de tout le Hessed qu’il fait à son prochain voudrait bien le laisser passer et il explique à son collègue que ce vieux Rav n’est pas une menace pour l’empire britannique, mais le soldat non-juif s’y oppose et donne l’ordre à Rav Arié de rentrer chez lui. Le Rav retourne donc sur ses pas, en chemin il voit une brèche dans un mur et il tente par un autre chemin de rejoindre la prison.
Mais de l’autre côté du mur il y a la même patrouille qui voit ce vieux monsieur essayer tant bien que mal avec ses faibles forces de passer par-dessus le mur à travers la brèche. Alors, au grand étonnement du soldat juif, le soldat non-juif s’adresse à Rav Arié et lui dit : « Monsieur le Rav vous pouvez passer et vous rendre là où vous voulez aller. »
Intrigué, le soldat juif demande à son collègue la raison de ce revirement et il s’entend répondre : « Au début je pensais que ce Rav faisait cela pour gagner de l’argent ou pour un quelconque intérêt, c’est pourquoi je lui ai interdit de passer. Mais à présent que je vois tous les efforts qu’il fait et comment il se met en danger pour aller à la prison, je comprends qu’il agit uniquement par amour du prochain. Puisque je lui ai interdit d’y aller sous peine de sanctions, il avait toutes les bonnes raisons de retourner chez lui et de se considérer comme quitte de sa mission. Il aurait pu se rendre quitte en disant qu’il y avait ici une Sakana pour lui, que cela ne dépend plus de lui, ce n’est pas de sa faute. Mais non, il est prêt à risquer sa vie pour d’autres qu’il ne connait même pas, cela montre la pureté de ses intentions c’est pourquoi je le laisse passer. »
A présent nous pouvons répondre à la question que nous avons posée plus haut. Avraham a reçu l’ordre divin de sacrifier son fils et si ce n’était l’intervention de l’ange qui l’en a empêché au dernier moment, il l’aurait fait.
Tout autre que lui dans cette situation aurait été très heureux de ne pas avoir à tuer son fils et serait retourné à la maison le cœur soulagé. Il ne serait pas resté une seconde de plus à cet endroit, devant l’autel, on ne sait jamais, au cas où il y ait à un nouveau contre-ordre. Mais Avraham est resté sur place, il n’a pas dit « Barou’h Chépatrani » (Béni soit celui qui m’a rendu quitte). Au contraire, il a tenté par tous les moyens d’apporter un nouveau sacrifice. C’est pourquoi quand il a vu ce bélier il l’a sacrifié avec joie pour Hashem. Par cela Avraham a montré qu’il n’accomplissait pas la volonté divine par obligation mais par amour. Il a dévoilé au monde ce qui sous-tendait sa Avoda : un amour profond pour Hashem et une volonté de lui obéir et de lui faire plaisir. C’est pourquoi ce n’est qu’à ce moment qu’il a mérité une bénédiction et que l’ange s’est adressé à lui une deuxième fois.
Quelle leçon ! Comment réagissons-nous dans notre vie de tous les jours quand nous avons une bonne raison qui nous empêche de réaliser une Mitsva ?
- Il pleut des trombes, nous ne pouvons pas aller à la Shoule.
- Le Mynian est raté, le cours de Tora aussi, mais ce sont les aléas de la vie. Nous n’y sommes pour rien.
- Arriver à la Shoule le matin avec un quart d’heure de retard à cause des embouteillages. C’est un bon Oness de dernier moment. En se dépêchant on peut rattraper le Mynian. Pas besoin d’attendre le prochain Mynian qui commence dans dix minutes, c’est déjà assez long comme cela …
- On aurait bien voulu mais … ce n’est pas de notre faute.
- C’est un cas de force majeure etc….
D’ailleurs c’est une grande règle très connue dans la Tora : « Anouss Ra’hamana Patré », en cas de force majeur on est quitte !
Que dire ? Qu’aurions-nous fait si c’était pour la Parnassa ? Aurions-nous eu les mêmes réactions ?
Nous devons apprendre d’Avraham cette volonté de ne jamais baisser les bras, d’essayer au maximum et seulement ainsi nous mériterons la bénédiction divine. On ne construit rien sur la routine.
Si on veut mesurer notre Yïrat Shamaïm, imaginons un instant qu’on nous annonce du Ciel qu’on n’est plus obligé de dire le Birkat Hamazon. Quelle sera notre réaction ? « Chouette cela me fera gagner du temps ! » ou « Mince, quel dommage de ne plus pouvoir remercier Hashem pour la nourriture qu’Il nous donne. » ? La réponse à cette question nous donnera la profondeur de tout le travail qui reste à fournir. Est-ce que nous faisons la Tora par amour pour Hashem ou par obligation.
En cas de maladie ou de force majeure, quand nous sommes quittes de la Mitsva sommes-nous content en pensant : « Barou’h Shépatrani ! » ou « C’est vrai que je suis Patour, mais j’ai raté un Mitsva. »
Nous retrouvons cette même idée quand Avraham demande à son serviteur Eliézer d’aller chercher des invités et qu’il revient en disant qu’il n’a rien trouvé (Hashem avait fait ce jour-là une chaleur torride pour que personne ne sorte et ne vienne déranger Avraham qui venait de faire la Brit Mila trois jours auparavant) qu’elle sera la réaction d’Avraham ? Il ne croit pas son serviteur et il sortira lui-même dehors, sous le soleil à la recherche d’éventuels promeneurs. C’est ce qui déclenchera l’envoi par Hashem de trois anges sous forme humaine afin de satisfaire Avraham. Jusqu’au bout de ses forces et ce sera tout au bout, à l’extrême limite qu’il déclenche le Miracle : trois anges viennent chez lui.
Cette idée est récurrente chez les Tsadikim :
- Moshé préparera trois villes refuges en dehors d’Israël, alors qu’il sait qu’il ne rentrera pas en Eretz Israël et que ces villes qu’il a préparées n’entreront en action qu’après la conquête du pays par Yéhochoua. Cela ne sert donc “à rien” de les préparer des années avant qu’elles soient opérationnelles.
- David n’aura pas le droit de construire le Beith Hamikdash (Méla’him 1 – 8 ; 19) (ce sera son fils Shélomo qui le fera), mais il préparera tous les matériaux nécessaires pour la construction. Il cherche à participer au moins un peu. (En fin de comptes Shélomo ne prendra pas ces matériaux car il pensera que son père aurait dû donner tout cet argent aux pauvres, c’est donc l’argent des pauvres et il ne veut pas y toucher. Il utilisera de nouveaux matériaux.) L’idée principale étant que, même si je suis Patour, je veux faire quelque chose pour Hashem.
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