PARACHAT VAERA
Notre Paracha fait suite à la plainte de Moché à Hachem la semaine dernière. En effet, sur l’ordre divin, Moché est allé demander à Pharaon de laisser partir les Béné Israël. En représailles Pharaon a demandé à ses hommes de ne plus donner la paille pour faire les briques. Dorénavant les Juifs devront aller ramasser eux-mêmes la paille, mais la quantité de briques fabriquées devra rester la même.
Moché s’est plaint à Hachem et il lui a demandé : « Pourquoi as-tu fait du mal à ce peuple ? Pourquoi donc m’as-tu envoyé ? Depuis que je suis allé chez Pharaon pour parler en Ton nom, le sort de ce peuple a empiré ; et Tu n’as pas sauvé Ton peuple. » (Chémot 5 ; 22)
C’est pourquoi notre Paracha commence avec la réponse divine : « Je suis l’Eternel. Je suis apparu à Avraham, à Itsrak et à Yaakov comme El Shakaï (Dieu tout puissant) mais sous mon nom Hachem Je ne me suis pas fait connaître à eux. » (Chémot 6 ; 2 et 3)
Rachi explique ainsi la réponse divine, quand Moché a dit : « Pourquoi as-tu fait du mal à ce peuple ? », Hachem lui dit : « Dommage pour ceux qu’on a perdus et qui ne se retrouvent plus. J’ai de quoi regretter la mort des Patriarches. De nombreuses fois Je leur suis apparu sous le nom de El Shakaï (Dieu tout puissant) et ils ne m’ont pas dit : Quel est Ton nom ? Et toi, tu M’as dit : Quand les Béné Israël me demanderont quel est Son nom, que leur dirai-je ? »
Une question se pose, en réalité, dans le processus divin de délivrance des Béné Israël, Moché s’interroge sur tous les cas possibles quand il leur annoncera la libération prochaine. Parmi toutes les questions qui peuvent se poser, « Que répondre quand on me demandera Ton nom ? » est tout à fait recevable. Pourquoi considérer cela comme si Moché dénigrait ou critiquait le projet divin ?
Le Ramban au début de notre Paracha explique que tous les miracles habituels de la nature que nous ne remarquons pas, Hachem les réalise avec Son Nom El Shakaï. Mais les miracles visibles de tous qui défient les lois de la nature, eux sont accomplis avec le tétragramme Hachem.
Maintenant nous comprenons la réponse divine à Moché : « Les Patriarches ne Me connaissaient que sous l’attribut El Shakaï (Dieu tout puissant) », c’est-à-dire : « Avec eux Je n’accomplissais que des miracles cachés et ils ne se sont jamais plaints. » Mais avec toi c’est différent : « Dis aux Béné Israël Je suis Hachem, Je vous ferai sortir … » (Chémot 6 ; 6) Il utilise le tétragramme afin de leur annoncer qu’Il les délivrera en accomplissant des miracles exceptionnels visibles par tous. Des miracles qui se joueront des lois naturelles. Les Makot, la traversée de la mer Rouge, tous les miracles de la sortie d’Egypte sont en marche.
Le reproche est donc clair, les Avot n’avaient pas une perception d’Hachem sans aucun filtre, et pourtant ils L’ont suivi sans rechigner. Ils n’ont émis aucune réserve dans la confiance qu’ils avaient en Hachem. Moché, quant à lui, avait un niveau de prophétie bien supérieur aux Patriarches. Il a eu une vision d’Hachem la plus claire qui soit. Aucun être humain n’a eu et n’aura une perception aussi claire, sans aucun filtre.
C’est comme si on regarde à travers une vitre, plus la vitre est sale et moins on voit ce qu’il y a derrière. On dit que pour Moché la vitre était excessivement propre, il y avait une vitre mais elle était tellement propre qu’on aurait pu croire qu’il n’y en avait pas. Sa perception de Dieu était donc à son maximum pour un homme. Sa confiance en Hachem aurait donc dû être plus grande que les Avot pour qui la vitre était plus « sale ». Il aurait dû avoir une foi parfaite et transmettre cette croyance aux Béné Israël afin qu’ils croient à la délivrance de l’Egypte sans déclencher le tétragramme. Mais comme il a demandé : « Quand les Béné Israël me demanderont quel est Son nom, que leur dirai-je ? », quelque part il a obligé Dieu à lui dévoiler son autre nom et à lui promettre qu’Il l’utiliserait pour la sortie d’Egypte afin de déclencher des miracles exceptionnels.
Les Patriarches n’ont pas réclamé, ils étaient patients.
- Avraham a payé très cher la grotte où il a enterré sa femme Sarah. Pourtant cet endroit lui appartenait déjà de droit puisque Hachem lui avait donné tout le pays.
- Itsrak n’a rien dit quand on lui a refusé la paternité des puits qu’il avait creusés.
- Yaacov aussi a dû acheter l’endroit où il a planté sa tente car il savait que le temps de prendre possession du pays d’Israël n’était pas encore venu.
Dans la vie de tous les jours il y a beaucoup d’événements que nous ne comprenons pas. En fait, chaque histoire a un début et une fin. Le souci c’est que nous arrivons au milieu de l’histoire et que nous posons plein de questions pensant avoir tous les tenants et les aboutissants, alors que nous sommes au milieu et qu’il nous manque le début et la fin. Pourquoi untel n’a pas d’enfants, pourquoi celui-là est malade, pourquoi ce tremblement de terre etc.
L’exemple du Hafetz Haïm est connu. Il comparait cela à un voyageur qui arrive dans une ville. Le Chabbat il va à la Choule et pendant Kriat HaTorah il ne comprend pas l’ordre dans lequel le Chamach fait monter les gens à la Torah, apparemment il n’y a pas de logique. A la fin de l’office il va le trouver et lui demande des explications. Le Chamach ne se vexe pas et lui explique gentiment : « Ceux qui étaient à gauche sont déjà montés la semaine dernière car il y a eu un mariage dans leur famille. Ceux du fond ont eu une Bar Mitsva il y a deux semaines. Les gens qui étaient à droite ont eu une Brit Mila il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui j’ai donc fait monter toutes les personnes qui n’étaient pas associées à ces joies et qui n’étaient pas encore montées. »
De même, nous nous demandons parfois pourquoi celui-là est riche et l’autre pauvre. Mais nous ne regardons l’Histoire qu’à travers le prisme de nos quelques années passées sur terre. Chaque Néshama reçoit aujourd’hui par rapport à ce qu’elle à vécue dans les Guilgoulim précédents. Et en fin de comptes, quand cette grande histoire qu’est le monde sera finie, nous verrons que tout est juste et que personne n’a été lésé.
C’est un peu comme celui qui se tient devant une porte fermée. Il voudrait savoir ce qu’il y a dans la pièce derrière cette porte. Alors il regarde par le trou de la serrure et il voit une table, une chaise, un canapé, etc. Malgré ses efforts il n’arrive pas à voir ce qu’il y a sur les côtés de la pièce. Alors il suppute. Il se dit que certainement il y a des tableaux aux murs, une autre porte qui mène à une autre pièce où il y a un grand feu de cheminé etc. Comme il ne voit pas il est bien obligé d’imaginer. Mais ses spéculations sont certainement fausses.
Dans notre vie nous ne comprenons pas tout. Nous nous posons de multiples questions. Nous devrions apprendre de nos Patriarches la patience. Hachem avait promis à Avraham un fils qui sera son héritier. Quand ce fils naît enfin, Il lui demande de le sacrifier. Avraham a sûrement eu tout un tas de questions à ce moment-là sur le comportement divin, mais il n’a rien dit et en serviteur fidèle il est allé faire la Akédat Itsrak.
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