Bo 2020

PARACHAT  BO 

Sur le Passouk : « Et le séjour des Béné Israël en Egypte fut de 430 ans » (Shémot 12 ; 40) le Midrash demande : Nous savons tous que Hashem aime le Klal Israël, si c’est ainsi Il aurait pu leur donner le pays d’Israël sans passer par la case “Egypte”.

A quoi ont servi tout cet exil et toute cette souffrance ?

Pourquoi les avoir envoyés en Egypte ?

Le Midrash répond que toutes les actions d’Hashem suivent une règle d’or : « Mida Kénéguèd Mida » (mesure pour mesure). C’est-à-dire que Hashem juge chaque homme selon ce principe.

Mida Kénéguèd Mida signifie que de la même façon qu’un homme se comporte avec l’autre, ainsi Hashem se comportera avec lui. Car, s’il fait quelque chose à son ami, c’est qu’il pense que c’est bien. Il ne va tout de même pas lui faire quelque chose de mal ? N’est-ce pas ?

L’exemple le plus connu est que nous serons jugés là-haut sur nos actes comme nous avons jugé les autres. C’est pourquoi la Guémara nous conseille de toujours juger l’autre du bon côté.

Imaginons-nous, on s’apprête à juger une personne, celle-ci implore la clémence du tribunal céleste. On lui répond alors : « Pas de problème, c’est d’accord, mais auparavant nous allons regarder comment toi, sur terre, tu jugeais ton prochain quand tu étais encore en vie. Quels sont, selon toi les critères d’un bon jugement. Quel juge as-tu été envers les autres ? »

Et on fait défiler devant lui toute sa vie. On lui montre : « Regarde, là et là et encore là, pourquoi n’as-tu pas pardonné à ton prochain le mal qu’il t’avait fait ? Pourquoi as-tu été dur avec lui ? Si selon tes propres principes le pardon n’existe pas, comment veux-tu que nous, nous te jugions selon des critères de clémence qui, selon toi, n’existent pas ? »

Ce n’est pas de la vengeance, c’est du Emet. Les décisions que l’on prend vis-à-vis de notre prochain sont, en principe, à l’exception des méchants, justes à nos yeux. Partant de là, la façon dont on juge notre prochain, nos critères pour lui pardonner, sont, à nos yeux équitables. C’est, selon nous, ainsi que l’on doit juger. Il est donc logique qu’on prenne nos propres critères pour juger nos propres fautes. Sinon ce serait injuste pour les autres de nous juger avec clémence sur un fait, alors que tout au long de notre vie nous avons jugé autrui avec rigueur pour cette même action.

Nous avons donc tout intérêt à pardonner à l’autre le plus souvent possible, car nous montrerons ainsi que pour nous, un juge doit être clément.

La Guémara Shabbat (127b) nous enseigne que celui qui juge son prochain avec bienveillance sera jugé lui-même avec bienveillance. Un jour, un homme vint de Haute-Galilée et s’engagea pour trois ans comme salarié chez un patron du sud du pays. La veille de Kippour il dit à son maître :  

  • Donne-moi mon salaire, je vais rentrer pour faire vivre ma femme et mes enfants. 
  • Je n’ai pas d’argent.
  • Alors paie-moi en vivres.
  • Je n’ai rien.
  • Alors paie-moi en terres.
  • Je n’en ai pas.
  • En bétail, alors.
  • Je n’en ai pas.
  • Paie-moi en meubles.
  • Je n’en ai pas.

Le travailleur prit alors ses outils sur son épaule et rentra chez lui le cœur lourd. Quand le jour de Kippour fut passé, le patron prit le salaire de l’ouvrier ; il prit aussi trois ânes, l’un chargé de victuailles, l’autre de boissons et le troisième de toutes sortes de produits fins, et il se rendit chez son ouvrier. Après qu’ils eurent bu et mangé ensemble, il lui donna son salaire.

  • Lorsque tu m’as demandé ton salaire et que je t’ai répondu que je n’avais pas d’argent, qu’as-tu pensé de moi ? Lui demanda-t-il ?
  • Je me suis dit que peut-être une bonne affaire s’était présentée à toi et que tu y avais investi ton argent.
  • Et lorsque tu m’as demandé de te payer en bétail et que je t’ai répondu que je n’en avais pas, qu’as-tu pensé de moi ?
  • Je me suis dit que tu avais dû louer tes bêtes.
  • Et lorsque tu m’as demandé de te payer en terres et que je t’ai répondu que je n’en avais pas, qu’as-tu pensé de moi ?
  • Je me suis dit que tu avais sans doute donné ta terre en fermage.
  • Et lorsque je t’ai dit que je n’avais pas de quoi te payer en vivres ?
  • J’ai pensé que tu n’avais pas encore prélevé les Troumot et Maasrot.
  • Et lorsque je t’ai dit que je n’avais pas de meubles ?
  • J’ai pensé que tu avais peut-être voué tout ton bien au Beith Hamikdash.

Le maître dit alors :

  • C’était le cas. Je m’étais détaché de mes biens parce que mon fils ne voulait pas étudier la Tora. Puis je suis allé voir les Ha’hamim et ils m’ont fait annuler mon vœu. Quant à toi, tu m’as jugé avec bienveillance, c’est pourquoi Hashem te jugera avec bienveillance.

La Guémara Rosh Hashana (17a) dit au nom de Rava : Celui qui renonce à se venger verra tous ses pêchés pardonnés car il est écrit : « Nossé Avon Véover Al Pésha » (Il pardonne le pêché et il oublie les fautes) (Mi’ha 7 ; 18 cf. Métsoudat David) A qui pardonne-t-il le pêché ? A celui qui oublie les fautes !

Un jour, Rav Houna fils de Rav Yéhoshoua tomba malade. Rav Papa vint lui rendre visite et constata qu’il était mourant. Il dit à son entourage : « Préparez son linceul. » (Car il pensait qu’il allait bientôt mourir)

Finalement, Rav Houna guérit et Rav Papa avait honte de se présenter à lui. Alors on lui demanda :

  • Qu’est-ce qui te faisait penser qu’il allait mourir ? 
  • Il allait vraiment mourir, mais Hashem a dit : « Comme il n’est pas rancunier, qu’on ne s’acharne pas contre lui. Comme il est écrit : Nossé Avon Véover Al Pésha ; à qui pardonne-t-il le pêché ? A celui qui oublie les fautes ! » 

Mais revenons à notre Parasha, nous savons que les fils de Léa dédaignaient les enfants de Bilha et Zilpa sous prétexte que leur mère étaient des servantes. (Rashi Béréshit 37 ; 2) ils ne les considéraient pas comme leurs frères à part entière, comme leurs égaux. Au contraire, ils les rabaissaient régulièrement et leur montraient leur infériorité.

Or, si Hashem avait donné la terre d’Israël tout de suite aux Béné Israël, le risque était grand que les descendants des servantes ne soient toujours pas acceptés par les descendants de Léa, même des décennies plus tard, et qu’ils continuent à être rabaissés. Il n’y aurait pas eu d’unité dans le Klal Israël.

Or, le Klal Israël n’existe pas en tant que personnes individuelles, mais en tant que groupe. Pour exister et perdurer, je dois me fondre dans le groupe. C’est pourquoi Hazal insistent à plusieurs reprises sur la nécessité de partager les joies mais aussi les peines du groupe. Celui qui participe aux peines du groupe méritera d’assister aux joies du groupe.

Dans le même ordre d’idées, Hazal ont dit dans la Guémara Baba Batra (60b) Quiconque garde le deuil de Jérusalem, en pleurant la destruction du Temple, contemplera sa joie et en récompense, il assistera à sa reconstruction.

Le problème était donc de rendre ces frères ennemis unis comme les doigts d’une main. Il fallait donc que tous les Béné Israël se retrouvent esclaves en Egypte afin qu’ils aient tous le même statut et qu’aucun d’entre eux ne puisse s’élever au-dessus de ses frères, car on lui aurait dit : « Toi aussi tu étais esclave, tu ne vaux donc pas plus que nous ! »

C’est la raison pour laquelle Hashem donnera aux Béné Israël la Mitsva de manger de la Matsa dans chaque famille du Klal Israël et ce, dans chaque génération. Les parents et les enfants auront la Mitsva de manger la Matsa et de dire cette phrase magique : « Avadime Haïnou Léparo Bémitsraïm », (On était esclaves à Pharaon en Egypte). C’est-à-dire : On est tous sur le même pied d’égalité. Personne ne peut s’enorgueillir sur le dos de l’autre. Hashem voulait imposer le Shalom dans le Klal Israël car sans Shalom aucune unité n’est possible. C’est pourquoi un des noms d’Hashem est Shalom.

Il est extraordinaire de constater que d’après ce Midrash, l’exil égyptien n’est venu que pour aplanir les différences et les rivalités entre les Béné Israël.

Toutes ces souffrances que pour ça ?

Nous pouvons également déduire que si les Shévatim ne s’étaient pas comportés de la sorte avec leurs frères, et s’ils les avaient traités en égaux, avec respect, alors il n’y aurait pas eu d’exil égyptien car il n’y aurait pas eu besoin que tous deviennent esclaves de Pharaon.

De plus, il n’y a pas à douter que si les Shévatim avaient été avertis de cette réaction divine devant leur comportement, ils se seraient conduits autrement. S’ils avaient pu voir dans l’avenir tout le mal qu’ils vont déclencher sur leurs descendants, il est certain qu’ils auraient fait attention à ne pas blesser leurs frères issus des servantes et ainsi ils auraient été sauvés de cet exil.

Nous voyons combien nous devons faire attention dans notre relationnel avec autrui à ne pas le froisser. Nous ne pouvons pas évaluer tout ce que nous déclenchons par notre attitude négative. Si on commence à partager le peuple juif en le cataloguant : les Séfaradim, les Ashkénazim, les Loubavitch, les Hassidim etc. … Où va-t-on ? Dans cette ville ils sont comme ci, là-bas ils sont comme ça.

On trouve même des blagues nauséabondes sur certains groupes du Klal Israël. Comment peut-on en rire ? On se moque de notre frère, donc de nous, d’une partie de nous, dans cette grande unité que forme le peuple juif. Banim Atèm L’Hashem Elokéhèm, on est tous les enfants d’Hashem.

En allant un tout petit peu plus loin, comment peut-on demander aux non-juifs de ne pas être antisémites si nous-mêmes, les Juifs, nous sommes racistes vis-à-vis de notre frère Juif ?

Comment Mashia’h peut-il venir dans ces conditions ?

A l’inverse, si on fait attention à toujours respecter l’autre, et à ne jamais l’écraser ni lui faire honte, alors on méritera une récompense dont on ne mesure même pas l’importance. Et si l’on s’arrange comme il se doit, on méritera d’entrainer nos amis dans notre sillage, on pourra ainsi éviter de grands malheurs pour nous et tout le Klal Israël et déclencher la venue du Mashia’h. Amen.

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