PARACHAT CHEMINI
Pour la Tora, un animal pur et donc mangeable, doit avoir deux conditions, il doit ruminer et avoir les sabots fendus : « Voici les êtres vivants que vous pourrez manger de parmi tous les animaux qui sont sur la terre. Tout animal dont le sabot est fendu, qui est complètement séparé en deux sabots, qui rumine parmi les animaux celui-là, vous mangerez. » (Vayikra 11 ; 2 et 3)
En revanche, si un animal rumine mais n’a pas les sabots fendus il est impur selon la Tora : « Mais ceci vous ne mangerez pas … le chameau car il rumine mais son sabot n’est pas fendu. La gerboise car elle rumine mais le sabot n’est pas fendu. Le lièvre car il rumine et il n’a pas eu le sabot fendu. » (Vayikra 11 ; 4 à 6)
Rav Israël Salenter fait remarquer que pour ces trois animaux qui ruminent mais qui n’ont pas les sabots fendus (le chameau, la gerboise et le lièvre) la Tora utilise trois termes différents pour dire qu’ils n’ont pas les sabots fendus :
- Pour le chameau : Ouparsa Ènénou Mafriss
- Pour la gerboise : Ouparsa Lo Yafriss
- Pour le lièvre : Ouparsa Lo Hifrissa
Pourquoi avoir dit qu’il n’a pas les sabots fendus de trois façons différentes : Mafriss, Yafriss, Hifrissa ?
En fait, Mafriss est au présent, Yafriss est au futur et Hifrissa est au passé. On parle ici des animaux impurs (Tamé).
La Tora vient m’apprendre qu’avant de décréter que ton voisin est impur, mauvais, irrécupérable etc. simplement parce que tu l’as vu faire quelque chose de pas bien, tu dois d’abord l’examiner sous tous ses aspects : son présent, son passé et son futur.
Est-il vraiment mauvais sous tous les rapports ? Comment peux-tu l’affirmer si tu ne connais pas son passé et encore moins son futur ? Tu ne te fies qu’à son présent, qu’à ce que tu vois ! Ne t’empresse pas autant, si tu ne connais pas toutes les données tu ne peux pas juger ton prochain. Et encore moins porter sur lui un jugement qui lui fermerait toutes les portes du retour vers le droit chemin. Même si tu le connais depuis longtemps et que tu vois qu’il est resté le même, cela n’augure en rien sur son futur, il peut changer. Il y a peut-être en lui des choses bonnes qui vont se réveiller.
Ce n’est qu’après qu’elle a vu le passé, le présent et le futur que la Tora appelle un animal impur. S’il en est ainsi pour un animal que dire pour un être humain ? De plus nous ne connaissons pas l’avenir, comment pouvons-nous affirmer qu’untel ne fera pas Téchouva ?
Nous retrouvons cette attitude chez Hashem lui-même. Lorsqu’Avraham renvoie son fils Ishmaël comme le lui a demandé sa femme Sarah et sur l’agrément d’Hachem. Hagar (la deuxième femme d’Avraham et mère d’Ishmaël) et son fils Ishmaël se retrouvent en plein désert. Ils n’ont plus d’eau. Ishmaël va mourir de soif, sa mère l’abandonne et s’éloigne pour ne pas le voir mourir. Hashem veut sauver Ishmaël et lui donner à boire en lui faisant apparaître une source d’eau dans ce désert. Hashem s’adresse à Hagar et lui dit : « Qu’as-tu Hagar ? Ne crains rien car Hashem a entendu la voix de l’enfant là où il est. » (Béréshit 21 ; 17) Mais les anges s’y opposent.
Rashi nous explique : « Les anges accusaient et disaient : « Maître du monde, celui dont la descendance va tuer Tes fils par la soif, Tu fais s’élever pour lui un puits ? »
En effet, Névouhadnétsar, après avoir détruit le premier Beith Hamikdash, exilera les Béné Israël. Quand ils passeront près des terres arabes, les juifs demanderont à leurs conquérants de les amener chez leur oncle Ishmaël qui aura certainement pitié d’eux et leur donnera à boire et à manger. Les arabes sortirent à leur rencontre et leur apportèrent de la viande, du poisson salé et des gourdes en peau gonflées d’air. Les juifs pensaient qu’elles étaient pleines d’eau. Lorsque chacun, après avoir mangé du salé, la portait à sa bouche et l’ouvrait, l’air entrait violemment dans son corps et il mourait.
Devant cette terrible accusation Hashem demande aux anges : « Mais maintenant, qu’est-il Ishmaël ? Un juste ou un méchant ? » Ils lui dirent : « Un juste ! » Hashem leur répondit : « Je juge un homme selon ses actions présentes et non selon ce qu’il fera dans le futur. Le futur n’existe pas il n’y a pas de déterminisme dans la Tora et chacun, à chaque instant, peut se changer et orienter sa vie vers une nouvelle direction. Pour l’instant Ishmaël est un juste et il mérite donc d’être sauvé. »
C’est ce que signifie notre Passouk « Là où il est » (Baasher Hou Sham) » La Tora conclu ce récit en disant : « Hashem lui ouvrit ses yeux, elle vit un puits d’eau, elle alla et remplit la gourde d’eau, et fit boire l’enfant. » (Béréshit 21 ; 19)
Essayons, nous aussi de ne pas juger l’autre de manière définitive et de lui laisser la chance de revenir. Chance que nous voudrions aussi avoir si nous étions à sa place. Car si nous l’enfermons dans son image et qu’il lit cela dans notre regard alors il lui sera très difficile, voir impossible, de faire Téchouva.
