DIVRÉ TORAH SUR LA PARACHAT KORA’H
Bamidbar (16 ; 1) :
Jusque-là, les critiques du peuple ont toutes eu pour objet des problèmes précis (l’absence de nourriture et d’eau, le souhait de voir Moché remplacé par une « divinité » servant d’intermédiaire entre Dieu et Israël, etc….).
La rébellion dont traite notre Paracha est d’un autre ordre. Il s’agit d’une tentative de coup d’état, visant à évincer Moché et Aaron, les dirigeants en poste. Cette révolte est menée par leur propre cousin, Kora’h, de la famille de Lévi.
Celui-ci se présente comme le défenseur de l’ensemble du peuple qu’il tente de rallier à sa cause en menant une campagne de dénigrement contre Moché.
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Bamidbar (16 ; 1) : « Kora’h, fils de Ytsar, fils de Kéhat, fils de Lévi, prit … »
Rachi explique que notre Passouk ne remonte pas dans son ascendance jusqu’à Yaacov, (en disant : fils de Yaacov) dont pourtant Kora’h est descendant.
Car Yaacov avait prié pour que son nom ne soit pas mentionné dans cette terrible querelle. En effet, à la fin de sa vie quand il a béni ses fils, dans la bénédiction de Lévi il a dit (Béréchit 49 ; 6) : « … à leur assemblé ne soit pas unifié mon honneur ». Ce verset fait référence à Kora’h, issu de la tribu de Lévy, qui assemblera toute l’assemblée contre Moché et Aaron.
En revanche, son nom sera mentionné avec les enfants de Kora’h quand on les nommera pour dire qu’ils chantent avec les autres Léviim pendant les sacrifices, car à ce moment ils seront cités pour le bien (Divré Hayamim 6 ; 23).
Le Gour Aryé explique, qu’il semble évident qu’une conspiration comme celle de Kora’h trouve sa source dans le fait que ses ancêtres, si justes soient-ils, n’aient pas réussi à éradiquer tous les mauvais penchants de leur être, et donc, quelque part ils ont une responsabilité, aussi infime soit-elle. La prière de Yaacov était de mériter de n’avoir aucune prédisposition rebelle de ce genre et donc, le fait que son nom soit ici omis, constitue la preuve de sa droiture sans faille.
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Bamidbar (16 ; 1-3) : « Kora’h … Datane et Avirame … avec 250 des chefs de l’assemblée … se rassemblèrent contre Moché et Aharon ».
Le Zohar Hakadoch enseigne que les Cohanim représentent le côté droit, le Hessed (la bonté), et les Léviim le côté gauche, le Din (la justice, la rigueur). Kora’h, qui était Lévy, voulait intervertir la droite et la gauche, c’est la raison pour laquelle il fut puni.
Le Amoudé Chiva commente : Hazal nous enseignent qu’au commencement, Hachem pensait créer le monde avec l’attribut de rigueur et lorsqu’Il vit que le monde ne pouvait se maintenir ainsi, Il associa l’attribut de bonté à celui de la rigueur. Il fit même précéder l’attribut de bonté à l’attribut de rigueur, car c’était la seule issue pour que le monde puisse se maintenir.
Ainsi, le côté de la bonté doit impérativement dominer le côté de la rigueur pour que le monde se maintienne.
Hachem dirige Sa création avec ces deux attributs (bonté et justice, rigueur).
Kora’h voulait devenir Cohen Gadol à la place d’Aharon. Il voulait, dans l’absolu, renforcer le pouvoir des Léviim, dont la racine est celle de la rigueur, sur les Cohanim dont la racine est celle de la bonté.
C’est ainsi qu’il voulut inverser la droite et la gauche amenant inéluctablement le monde à la destruction, car ce dernier ne peut se maintenir que lorsque la bonté domine la rigueur.
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Bamidbar (16 ; 14) : Datane et Avirame ont dit à Moché : « … Même si les yeux de ces hommes tu crevais, nous ne monterons pas ! »
Rachi interprète ces paroles ainsi : Même si tu envoyais quelqu’un nous crever les yeux au cas où nous ne monterions pas vers toi, nous ne monterons pas !
Datane et Avirame affirment que, quoi qu’il fasse, Moché ne réussira pas à les faire venir.
Le Hafetz Haïm disait à ce sujet : Voyez jusqu’où peut aller la dispute, Datane et Avirame étaient tellement pris par le feu de la querelle qu’ils ne se rendaient plus compte de ce que leur bouche disait, au point qu’ils ont osé émettre ces mots terrifiants : « Même si on nous crevait les yeux, nous ne monterions pas ! »
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Bamidbar (16 ; 15) : « Moché se mit très en colère et il dit à Hachem : ne Te tourne pas vers leur oblation. »
Rachi explique qu’il s’agit de l’encens qu’ils offriront le lendemain. Il demande qu’Hachem ne se tourne pas vers eux.
Selon le Ramban, l’offrande dont il s’agit ici concerne la prière.
Moché Rabbénou supplia ainsi Hachem de ne pas exaucer la prière de Kora’h et de son assemblée qui désiraient que Kora’h devienne Cohen Gadol.
Le Rav Elimélèh Bidermann fait remarquer qu’en y réfléchissant un tant soit peu, on ne pourra s’empêcher d’être surpris :
Kora’h veut contester la prêtrise et ébranler la confiance des Béné Israël dans leur Maître Moché. Il sème le doute envers Moché et Aaron pourtant sanctifiés tous deux par Hachem.
Et après tout cela, Moché craint encore qu’Hachem entende la prière de Kora’h et lui accorde la prêtrise, alors qu’elle avait déjà été octroyée à Aharon.
C’est extraordinaire, car, on ne peut que se rendre à l’évidence de la force immense de la prière et constater qu’elle ne dépend nullement de la situation où se trouve un homme.
Serait-il le pire des fauteurs, cette force que représente la prière demeure considérable, au point que Moché doit lui-même supplier Hachem : « ne Te tourne pas vers leur oblation », ne prête pas l’oreille à leur requête.
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Bamidbar (16 ; 32) : « La terre ouvrit sa bouche, les avala avec leurs maisons et tous les hommes qui étaient pour Kora’h avec toutes les possessions. »
Pourquoi furent-ils punis de cette façon ?
Selon le Rabbi de Strikov, Moché était plus humble que tout homme sur la surface de la terre. Pourtant, bien qu’il se mît réellement au niveau de la terre, Kora’h et son assemblée l’attaquèrent et lui reprochèrent : « Pourquoi vous érigez-vous… »
Même cette humilité-là, de s’effacer jusqu’à terre était à leurs yeux une forme d’orgueil.
Il ne leur restait donc qu’à descendre plus bas que terre, pour être humble d’après eux…
C’est ce qui se passa : la terre s’ouvrit et ils y descendirent à l’intérieur, c’est-à-dire sous la terre.
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Bamidbar (16 ; 32) : « La terre ouvrit sa bouche, les avala… »
Pourquoi Kora’h devait-il être englouti par la terre, plutôt que frappé par l’une des 4 formes de peine de mort en vigueur au tribunal ? Pour quelle raison Hachem choisit-Il de lui infliger une mort si étrange ?
Rabbi Mordéhaï Chémouel Krol explique qu’il existe un décret selon lequel avec le temps, le souvenir du défunt s’efface du cœur de l’homme. Sinon, les endeuillés pleureraient leurs morts toute leur vie.
Or, Hachem désirait que nous nous souvenions à jamais de Kora’h afin que nous en déduisions notre devoir de nous éloigner de la querelle. Il était donc nécessaire de le punir d’une manière marquante, de sorte que cela reste à jamais gravé dans notre mémoire et nous serve de leçon.
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Bamidbar (17 ; 20) : « Je ferai cesser de Moi les plaintes des enfants d’Israël qui se plaignent contre vous »
Une question se pose à la lecture de la révolte de Kora’h, lui et une grande partie du peuple se sont mis à contester l’authenticité de Moché Rabbénou, le suspectant d’avoir nommé Aaron comme Cohen Gadol de son propre chef et que ce n’était pas la décision d’Hachem.
Mais comment une telle chose a pu être possible alors que la Torah a dit clairement que, lors du don de la Torah au mont Sinaï, Hachem parla à Moché devant tout le peuple afin qu’ «Ils croient en toi à tout jamais » ?
Comment tant de personnes ont-ils pu douter de Moché ?
Rav Haïm Kanievski Zatsal explique qu’en fait, il est évident que tout le peuple avait foi en Moché et personne n’a osé penser qu’il ait fait quoi que ce soit de lui-même, sans la décision Divine, conformément à ce qui a été promis au moment du don de la Torah.
Malgré tout, ils avaient aussi conscience de la force et de la puissance de la prière, qui a le pouvoir d’influer sur la volonté d’Hachem.
Par la prière, un juif peut annuler un mauvais décret et il peut même obtenir qu’Hachem prenne une décision en conformité à ce qu’il a demandé dans sa prière.
Ainsi, ce que le peuple a suspecté, c’est que Moché a imploré et a prié Hachem pour qu’Il nomme Aaron comme Cohen Gadol et que Hachem a accepté sa demande.
Kora’h a reproché à Moché de ne pas avoir prié et imploré Hachem pour qu’Il le nomme lui en tant que Cohen Gadol.
Mais en réalité, il n’en était rien. Ce n’était pas la prière de Moché qui a déterminé qu’Aaron soit le Cohen Gadol, mais c’était le fait que celui-ci était le plus apte à ce poste, du fait de ses qualités et mérites personnels.
