Hayé Sara 2019

PARASHAT  HAYÉ SARA

Dans notre Parasha, Avraham envoie son serviteur Eliézer chercher une femme pour Itsrak dans sa famille chez son frère Na’hor. Arrivé sur place à Aram Naharayïm, Eliézer élève une prière vers Hashem et il lui demande : « Hashem, Dieu de mon maître Avraham, … Voici, je me tiens près de la source d’eau, et les filles des gens de la ville sortent pour puiser de l’eau. La jeune fille à qui je dirai : « Penche ta cruche que je puisse boire. » Si elle me dit : « Bois et je ferai aussi boire tes chameaux. » C’est elle que Tu auras désignée pour Ton serviteur, pour Itsrak, et par elle je saurai que Tu as montré de la bonté envers mon maître. » (Béréshit 24 ; 12 à 14)

Hashem a écouté la prière d’Eliézer et Il lui a envoyé Rivka qui répondait en tous points à ses demandes.

La première question que l’on peut se poser c’est : Que ce serait-il passé si, au lieu de Rivka cela avait été une autre fille de moins bonne vertu ou avec un défaut caché ?

Eliézer a dit : « La jeune fille à qui je dirai … Si elle me dit … C’est elle que Tu auras désignée pour Ton serviteur, pour Itsrak … » Donc, la première jeune fille qui donne le bon mot de passe de Hessed, c’est la bonne ? C’est elle qui est choisie du ciel ?

Comment Eliézer a-t-il pu faire une promesse aussi légère qui engageait tout le futur Klal Israël ?

Le Midrash Rabba[1] sur notre Parasha nous explique que : Quatre hommes ont fait une demande déraisonnable. Trois d’entre eux reçurent une réponse favorable, mais le dernier a reçu une mauvaise réponse par rapport à sa demande insensée. Ces hommes sont : Eliézer le serviteur d’Avraham, Kalèv, le roi Shaoul et Yfta’h.

1- Eliézer le serviteur d’Avraham a dit : « La jeune fille à qui je dirai … Si elle me dit … C’est elle que Tu auras désignée … » Cette demande est insensée car la jeune fille aurait pu être boiteuse ou aveugle. Et si cela avait été une servante, il aurait marié le fils de son maître Avraham à une servante ? Mais la réponse divine fut bonne : Rivka se présenta.

2- Kalèv a dit, lors de la guerre de conquête de la terre d’Israël (Yéhoshoua 15 ; 16 et Shoftim 1 ; 12) : « Celui qui vaincra la ville de Kiryat Séfèr et s’en rendra maître, je lui donnerai ma fille A’hssa pour femme. » Et si cela avait été un serviteur qui avait conquis cette ville, lui aurait-il donné sa fille en mariage ? Mais la réponse divine fut bonne : C’est Otniel Ben Kénaz son frère par la mère qui conquit la ville, et il lui donna sa fille en mariage.

(Rashi dans Yéhoshoua explique qu’en fait il ne s’agissait pas seulement d’une conquête physique de la ville qui ne demandait que des muscles, mais aussi d’intelligence. Le nom de cette ville à vaincre Kiryat Séfèr, est à prendre au sens littéral : « La Cité du livre ». Il rapporte la Guémara Témoura 16a qui nous dit qu’il s’agit ici des trois mille lois qui avaient été oubliées pendant le deuil de Moshé Rabbénou et qu’Otniel Ben Kénaz réussira à retrouver par la force de son raisonnement.

C’était un très grand Talmid Ha’ham mais sa nouvelle femme est allée se plaindre chez son père et elle lui a dit : « Donne-moi un présent, car tu m’as mis dans une contrée aride. » (Yéhouchoua 15 ; 19)

Rashi explique : Une contrée aride c’est une maison sèche dépourvue de toute bonne chose. Tu m’as donné un homme qui ne possède que la Tora. La Guémara Témoura 16a déduit de là qu’une femme crie lorsqu’elle n’a pas de grain (c’est-à-dire à manger) dans sa maison. Son père Kalèv lui donna alors « les sources supérieures et les sources inférieures » Kalèv a voulu dire à sa fille : « Un homme qui possède tous les secrets des mondes supérieurs et inférieurs, aurait-il besoin que je le nourrisse ? »

La Guémara nous dit que la fille de Kalèv s’appelait A’hssa car en hébreu si on inverse les lettres de son nom cela donne Kaass, la colère. Car tout homme qui la voyait se mettait en colère contre sa propre épouse tant A’hssa était belle.)

3- Le roi Shaoul faisait la guerre aux Philistins (Shémouel 1 chap. 17) quand un géant nommé Goliath est venu défier l’armée juive en disant : « Pourquoi voulez-vous livrer bataille ? Désignez l’un d’entre vous pour qu’il s’avance vers moi. Si, en combattant avec moi il l’emporte et me tue, nous deviendrons vos sujets ; mais si c’est moi qui triomphe et le tue, vous serez nos sujets et vous nous obéirez. » Et ainsi pendant quarante jours, chaque matin et chaque soir, Goliath s’avançait et défiait les Béné Israël. Shaoul et tout Israël en entendant ces paroles furent consternés et eurent peur. Ne voyant pas comment s’en sortir, le roi Shaoul promis que celui qui vaincra Goliath, il le comblera de richesses et il lui donnera sa fille en mariage.

Et si cela avait été un serviteur ou un non-juif qui avait tué Goliath, lui aurait-il donné sa fille en mariage ? Mais la réponse divine fut bonne : C’est David qui tua Goliath.

Quand le géant s’avança vers lui, David pris une pierre qu’il lança avec sa fronde et atteignit le Philistin au front. La pierre s’y enfonça et il tomba la face contre terre. Ainsi David vainquit le géant avec une fronde et une pierre, et le frappa à mort sans avoir une épée à la main. Puis il courra vers Goliath, lui prit son épée qu’il tira du fourreau et le tua en lui tranchant la tête. Les Philistins voyant que leur champion était mort prirent la fuite poursuivis par toute l’armée d’Israël.

4- Yfta’h à la tête de l’armée juive combattait les Ammonites venus récupérer leur territoire pris par Moshé Rabbénou à l’époque de la sortie d’Egypte. Avant le combat il fit le vœu suivant à Hashem : « Si Tu livres en mon pouvoir les enfants de Ammon, la première créature qui sortira de ma maison au-devant de moi, quand je reviendrai vainqueur des enfants de Ammon, sera vouée à Hashem et je l’offrirai en holocauste. » (Shoftim 11 ; 30 et 31)

Si cela avait été un âne, un chien ou un chat qui était sorti en premier, l’aurait-il offert en sacrifice à Hashem ?

Comme ce vœu était insensé, Hashem lui a donné une réponse inadéquate. Après sa victoire sur les Ammonites, c’est sa propre fille qui vint la première à sa rencontre avec des tambourins et des cœurs de danse car elle voulait célébrer le triomphe de son père. C’était son unique enfant. Le Radak nous explique qu’il a enfermé sa fille dans une maison pour le restant de ses jours. Elle n’en est jamais sortie et elle ne s’est jamais mariée.

(En fait, le Midrash explique au nom de Rabbi Yohanan qu’il a fait une erreur en l’enfermant car il aurait dû donner la valeur de sa fille en argent au Hekdesh.

Selon Reish Lakish il n’y avait rien à faire du tout, car son vœu était nul et non avenu, puisqu’il ne s’appliquait pas sur un être humain, les sacrifices humains étant interdits selon la Tora.

Le Midrash continue en expliquant qu’à cette époque il y avait aussi Pin’has HaCohen qui aurait pu le délier de son vœu.

Mais Pin’has n’a pas voulu se déplacer car il pensait : « Puisque c’est lui qui a besoin de moi, c’est à lui de venir vers moi. »

Et Yfta’h, lui, pensait : « Je suis le chef de tout Israël, c’est à lui de venir vers moi. » Entre temps, c’est sa fille qui a subi leur excès d’orgueil et qui a été perdue.

C’est pourquoi ils ont été punis tous les deux : La Présence divine quitta Pin’has et Yfta’h fut frappé d’ulcères et ses membres se détachèrent de lui, comme il est écrit : « Il fut enterré dans LES villes de Guilad. » Normalement on enterre à un seul endroit, mais là il y avait plusieurs endroits car il perdait ses membres.

Le Anaf Yossef rapporte au nom du Kéli Yakar que Yfta’h a été plus puni que les trois autres car il a adressé son vœu directement à Hashem : « Yfta’h fit un vœu à Hashem en disant … » (Ibid. verset 30) Et celui qui fait un vœu directement à Hashem doit faire beaucoup plus attention à ce qui sort de sa bouche.)

La deuxième question qui se pose est : Pourquoi Elièzer insiste-t-il autant dans sa prière ? Puisqu’Avraham lui a déjà dit : « Hashem, le Dieu du ciel et de la terre, … Lui, Il enverra Son ange devant toi et tu prendras une femme pour mon fils de là-bas. » (Béréshit 24 ; 7)

Elièzer n’avait-il pas confiance dans la prière d’Avraham ? Pensait-il qu’elle ne serait pas exhaussée ? Et s’il avait confiance en Avraham, à quoi servent toutes ces supplications qu’il rajoute de son propre chef ?

Le Or Ha’haïm répond qu’Elièzer avait confiance en la prière d’Avraham et il était certain qu’Istrak trouverait à se marier. Mais ce qui était moins sûr, c’était que cela passe par lui. Il voulait absolument être cet intermédiaire et c’est pourquoi il a fait toutes ces prières. Allait-il être choisi du ciel pour cela ? Telle était la question et rien n’était certain.

Parfois quelque chose doit être réalisé : un cours de Tora, une synagogue, une école ou un Mikvé. Cela se fera, puisque c’est prévu du Ciel, mais qui en sera l’intermédiaire ? Il faut prier pour en avoir le mérite.

Le train de l’Histoire doit partir et ce qui doit être fait, sera fait, mais serons-nous dans ce train ou resterons-nous sur le quai et verrons-nous le train partir ?

Parfois dans une ville ou un quartier il n’y a rien, et puis tout d’un coup quelqu’un arrive et on voit pousser une école, des cours de Tora … Et cela semble naturel, mais avant il n’y avait rien !

Une seule personne est capable de tout révolutionner. Cependant, même si nous sommes dans le train, où sommes-nous assis ? Dans la locomotive ou dans un wagon à l’arrière ? Est-ce que c’est nous qui entrainons les autres ou est-ce que nous nous faisons tirer par les autres ?

Nous savons que Noa’h était un grand Tsadik il marchait avec Hachem nous dit le verset, mais Avraham, lui, marchait devant ashwemHHashem, c’est mieux.

C’est à nous de choisir si nous voulons vivre une Tora froide, tiède ou brûlante d’intensité.

[1] Cf. la Guémara Taanit (4a) qui n’en compte que trois et le Maharsha sur place.

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