L’IMPORTANCE DE LA JOIE 2022

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L’IMPORTANCE DE LA JOIE

 

La Guémara Méguila (16a) nous dit que sur l’ordre du roi, Hamane a pris des vêtements royaux et un cheval royal et qu’il est allé chez Mordékhaï.

Lorsque Mordékhaï a vu Hamane approcher avec le cheval, il a eu peur… Mordékhaï s’est levé et a commencé à prier. Hamane est arrivé, il s’est assis, et a attendu jusqu’à ce que Mordékhaï ait fini de prier, et seulement ensuite Hamane a mené Mordékhaï dans les rues de Chouchan avec un honneur extrême.

Le Ben Ich Haï (Ben Yéhoyada) demande : Pourquoi Hamane a-t-il attendu que Mordékhaï termine de prier ? Pourquoi ne lui a-t-il pas dit immédiatement qu’il est venu pour l’honorer ?

Il répond que Hamane savait que Mordékhaï priait avec tristesse, et Hamane savait que de telles prières ne sont pas aussi efficaces que des prières faites dans la joie.

Hamane a pensé : « Si j’interromps sa prière, après avoir entendu la bonne nouvelle (que Hamane devait l’honorer), il va prier avec une joie immense, et alors il est probable que ses prières seront exaucées. »

Hamane a donc préféré que Mordékhaï prie dans la tristesse, et c’est pourquoi il a patiemment attendu que Mordékhaï finisse de prier.

Le ‘Hidouché Harim enseigne que chaque membre du corps a été doté par Hachem d’une couverture pour aider l’homme à protéger ce membre de la faute :

  • Les yeux ont des paupières afin de les protéger des contemplations interdites.
  • Les lèvres sont comme des remparts pour empêcher la langue de médire.
  • Le lobe peut servir à obstruer les oreilles devant des paroles qu’il est défendu d’écouter.

En revanche, il n’existe aucune couverture à la pensée, si bien que celle-ci est facilement susceptible de vagabonder à sa guise sans que l’on ne puisse l’arrêter.

On devra donc veiller particulièrement à ses pensées car, s’agissant de la pensée, celle-ci ne possède pas de couverture pour la protéger à l’instar des autres sens.

Néanmoins, bien que la pensée manque de protection matérielle, certains préconisent que le meilleur bouclier contre les mauvaises pensées consiste à se renforcer dans la joie.

« Être dans la joie » se dit d’ailleurs en hébreu « BéSimha », mot qui est formé des mêmes lettres que « Mahashava », la pensée.

La joie possède en effet la faculté de repousser le mal qui assaillit la pensée de l’homme.

Elle représente par ailleurs la Mitsva particulière de cette période puisque nos Sages nous enseignent (Guémara Taanit 29a) : « Dès le début du mois d’Adar, on doit redoubler de joie », et Rachi d’expliquer car ce sont des jours de Miracles pour Israël, Pourim et Pessa’h, il s’ensuit que la joie accumulée pendant le mois de Adar se prolonge jusqu’après Pessa’h. »

Le Choulhan Aroukh statue que la Méguila doit être écrite à l’aide d’un « Sirtoute » (des lignes tracées au poinçon sur le parchemin permettant de pouvoir écrire droit comme pour un Séfer Torah).

Certains ont vu dans cette loi une allusion au fait que la lumière spirituelle de Pourim doit laisser une trace dans le cœur de l’homme et non pas constituer un simple passage le laissant identique à ce qu’il était avant. C’est-à-dire qu’on ne peut pas sortir de Pourim comme si rien ne s’était passé.

Pourim ce n’est pas juste s’amuser, bien manger et boire. Il faut absolument sortir de cette fête transformé.

On retrouve cette même idée avec la tunique du Cohen Gadol à laquelle étaient suspendues des clochettes. La Torah indique que grâce à elles, on entendait quand il entrait dans le Saint des Saints devant Hachem (le jour de Yom Kippour), et quand il en sortait afin qu’il ne meure pas.

Le Rambam pose une question : pourquoi fallait-il que l’on entende le son des clochettes même lors de sa sortie du Saint des Saints, alors qu’à cet instant il n’accomplissait aucun service l’obligeant à revêtir les habits et tous leurs accessoires.

Pendant qu’il faisait la Avoda (son service), le Cohen Gadol était tenu de les porter, faute de quoi il était passible de la peine de mort par le Ciel ; mais quand il sort il a fini et cela ne sert à rien qu’on les entende, or, on devait également entendre les clochettes à sa sortie.

Nous voyons que l’essentiel du travail de l’homme est de savoir conserver à la sortie d’une fête la lumière spirituelle qu’il a acquise au cours de cette fête. Sinon, à quoi bon être entré dans les Saint des Saints si cela ne constitue pas une source de progrès spirituel.

Il est vrai qu’il a fini sa Avoda, mais il ne peut pas sortir le jour de Kippour du Saint des Saints « comme ça », simplement comme s’il ne s’était rien passé. Il fait du bruit, car même en sortant il est encore dedans, il doit donc faire du bruit. Il est encore dans la Avoda. Il a conservé quelque chose avec lui.

Quand une journée comme celle de Pourim, de Yom Kippour ou des trois fêtes passe, on doit faire durer son influence toute l’année. On ne peut pas simplement s’être amusé et c’est tout.

Il est écrit les Proverbes (26 ; 14) : « La porte pivote sur ses gonds et le paresseux sur son lit. » À priori, on peut se demander quel est le rapport entre les deux choses.

Le Gaon de Vilna explique ainsi : « La porte pivote sur ses gonds », c’est-à-dire que la majorité des gens sont déjà partis travailler (on ouvre la porte de chez soi pour aller travailler dehors), alors que « le paresseux tourne sur son lit », bien que tout le monde soit réveillé, le paresseux dort encore. Ce qui est contraire aux principes de la bonne marche du monde et à ceux de la Torah.

Il rapporte la Michna dans Avot (3 ; 10) où Rabbi Dossa ben Arkinass dit que « le sommeil du matin fait sortir l’homme du monde. » Car celui qui se roule paresseusement sur sa couche jusqu’en plein jour ne perd pas seulement les délicieuses heures matinales, mais son long sommeil le rend paresseux pour toute la journée. Paradoxalement, le superflu du sommeil ne fortifie pas mais rend paresseux.

Rabbi Ovadia MiBarténora ajoute une autre raison, nous devons lire le Chéma tôt le matin afin de prendre sur nous le joug du règne céleste. Or, celui qui dort après l’heure limite, manque chaque jour de pratiquer cette Mitsva à l’heure fixée. C’est pourquoi le Choulhan Aroukh débute par ces mots : « Sois courageux comme un lion pour te lever le matin de bonne heure au service du Créateur ». Il faut s’efforcer d’arriver de bonne heure à la synagogue pour y réciter la prière du matin. Mais comme le sommeil matinal semble si doux et si agréable, il est nécessaire de rassembler toute la force de sa volonté afin de s’arracher à cet état, de se secouer et de se lever pour servir Hachem.

Le paresseux a mille excuses pour persévérer encore plus longtemps dans cet état de paresse. « Le paresseux tourne sur son lit », c’est tantôt ceci, tantôt cela qui retient le paresseux de se lever pour arriver à temps à la synagogue. Tantôt il craint de ne pas avoir assez dormi et de n’être pas assez reposé, en hiver il a trop froid, il pourrait s’enrhumer. Au printemps, l’air est trop frais et en été il fait trop chaud, tandis qu’en automne il pleut et vente !

Rav Pinkous nous propose une autre explication de la Michna dans Avot : Dans une Yéchiva où étudient par exemple mille Ba’hourim, la porte du Beth Hamidrach est ouverte plus de mille fois par jour (pour les trois prières journalières, entrer et sortir, et pour les trois moments d’étude quotidiens, entrer et sortir).

Si l’on fait le compte de la distance ainsi parcourue par la porte en un jour, on arrive à un total faramineux. D’après cela, cette porte devrait déjà se trouver loin depuis longtemps et, en pratique, on sait qu’elle ne s’est pas déplacée d’un millimètre.

La raison en est que « la porte pivote sur ses gonds », qu’elle est reliée en haut et en bas par des gonds qui la ramènent à chaque fois à sa place sans jamais l’abandonner.

Le paresseux lui aussi suit le même principe : il est tellement attaché à son lit de toutes parts qu’il ne peut l’abandonner pour se lever à temps.

Il en est de même dans tous les domaines. Lorsqu’un homme est attaché aux futilités du monde et à ses mauvaises habitudes, il ne progresse pas et piétine sur place. Si seulement il acceptait de se libérer de la situation dans laquelle son Yétser Hara l’a emprisonné et de bouger ne fût-ce que de quelques pas, il pourrait parvenir avec le temps à des sommets inégalés.