PARACHAT MICHPATIM
Le ‘Hafets ‘Haïm écrit dans son Séfer Chémirat Halachon (Chaar Hazéhira Chap. 3) au nom du ‘Hovot Halévavot (Rabénou Bé’hayé, un Richon du 13ème) que beaucoup de gens s’étonneront, quand arrivera le jour des comptes, (le Yom Hadin), quand on leur montrera leurs actions qu’ils ont accomplies sur terre ; de voir inscrits des mérites pour des Mitsvot qu’ils n’ont pas faites.
Ils diront alors :
- « Mais nous n’avons pas fait cette Mitsva.
On leur répondra :
- C’est la Mitsva que untel avait faite mais comme il a dit du mal de toi on t’a donné sa Mitsva. »
De même, ceux qui ont dit du Lachon Hara (littéralement, mauvaise langue, ce terme s’applique à toute parole péjorative ou susceptible de nuire à une autre personne) s’étonneront de ne pas voir marquer dans leurs mérites telle ou telle Mitsva, quand ils poseront la question on leur répondra : « Vous l’avez perdue cette Mitsva, au moment où vous avez parlé contre untel. »
Il y aura aussi des gens qui trouveront inscrit, dans leur livre des Avérot (péchés) qu’ils ont faites sur terre et certaines Avérot qu’ils n’ont pas faites. Quand ils s’étonneront en disant :
- « Mais nous n’avons pas fait cette Avéra ?
On leur répondra :
- C’est vrai que vous ne l’avez pas faite, mais untel sur qui vous avez dit du Lachon Hara, lui, avait fait cette Avéra, donc, on la lui a enlevée et on vous l’a donnée. »
Le ‘Hafets ‘Haïm continue en disant que d’autres livres disent la même chose.
En résumé, il faut savoir qu’au moment où on dit du Lachon Hara sur quelqu’un, on lui donne nos Mitsvot et on lui prend ses Avérot.
C’est dommage, car parfois on se fatigue pour faire une Mitsva et, pour un tout petit mot sur son prochain, on la perd et on la lui donne.
Le ‘Hafets ‘Haïm termine en disant que celui qui s’enfonce dans cette mauvaise Mida, de dire du mal d’autrui, et de continuellement cribler son prochain avec les flèches que tire sa langue, on ne peut rien pour lui. Aucun conseil, aucune sagesse ne pourront l’aider.
Même s’il étudie la Torah et s’habitue à faire beaucoup de Mitsvot cela ne lui sera d’aucune utilité. Car dès qu’il aura gagné un peu de richesse éternelle grâce à la Torah et les Mitsvot pendant une semaine ou deux, il va déverser son Lachon Hara sur son ami et il va lui donner tous ses mérites éternels. En contrepartie il prendra toutes les Avérot que son prochain a faites. Et si ensuite, notre homme va encore travailler et encore gagner des Mitsvot pendant quelques mois ou pendant quelques années, mais, au bout de quelques temps, il va rencontrer quelqu’un, et à nouveau, il va dire du mal sur lui, et à nouveau, il lui donnera toute la richesse éternelle qu’il avait durement acquise. Et cela peut continuer ainsi jusqu’au jour de sa mort.
La morale qu’on peut en tirer, c’est qu’un tel homme risque de quitter ce monde sans aucune Mitsva, en revanche, il sera rempli d’Avérot terribles, plus graves les unes que les autres. Se seront toutes les Avérot de tous les gens sur qui il a dit du mal tout le long de sa vie. Il a pris à chaque fois un peu d’Avéra de chacun selon la honte qui leur avait faite par ses paroles.
C’est pourquoi David Hamélè’h, dans son Téhilim (34 ; v.14 et15), nous demande en premier de garder notre langue du mal et ensuite seulement de nous éloigner du mal et de faire le bien. Car en gardant notre langue, nous garderons en même temps tout le bien que Hachem a préparé pour nous grâce aux Mitsvot que nous avons faites. Il y en aura peu ou il y en aura beaucoup, mais au moins elles resteront dans notre main et elles ne seront pas données à quelqu’un d’autre.
Une fois, un homme d’affaires de Varsovie vint chez le ‘Hafets ‘Haïm pour lui acheter ses livres, quand ce dernier vit la liste des ouvrages qu’il désirait acquérir, il lui demanda :
- « Je remarque que vous avez commandé tous mes écrits, à l’exception de celui sur les lois du Lachon Hara. Pourquoi avoir laissé de côté un livre aussi important ?
- Je voudrais bien l’acheter également, répondit-il, mais j’en ai peur. Voyez-vous, je suis constamment en contact avec de nombreuses personnes, et dans mon métier, il est impossible de ne pas émettre ou de ne pas écouter du Lachon Hara.
- Je comprends bien votre problème, dit le Tsadik, j’en ai même parlé à Rav Israël Salanter qui m’a répondu : « Cela vaut la peine qu’on lise votre recueil de loi sur la médisance, même si le seul résultat en sera un soupir poussé à la dernière page. »
Parfois il y a beaucoup de gens qui parlent :
- « Mon Rav est mieux que le tien.
- Non c’est le mien. »
On parle, on parle, on déverse plein de choses mauvaises sur des gens qu’on ne connaît même pas et qui sont même peut-être plus grands que nous.
Il y a une histoire connue sur Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz (Le Rav de Metz et de Hambourg, au 17ème et 18ème siècle). Il vivait à l’époque de Rabbi Yaakov Emden (Le Yaabetz, qui est le fils du ‘Ha’ham Tsvi).
Il y avait dans une certaine ville, une grave maladie qui avait déjà tué 16 femmes en accouchant. On le comprend, de nombreuses femmes enceintes avaient peur d’accoucher. Rabbi Yéhonatan Haïbechitz était connu comme un géant dans ‘Ho’hmat Hakabala. Quand il est arrivé dans cette ville, un homme influent de la communauté lui a demandé d’écrire une Kémi’a (parchemin qui sert d’amulette) pour sa fille qui devait accoucher. Cela a marché et l’accouchement s’est bien passé. À partir de ce moment-là l’épidémie s’est arrêtée et donc les femmes n’avaient plus peur.
Mais à cette époque, le monde juif subissait encore les remous catastrophiques de Chabbataï Tsvi, le faux messie. Les gens avaient peur de tout ce qui touchait à la Kabala. Par contrecoup on soupçonnait toute personne qui étudiait la Kabala. A cause de la Kémi’a que Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz avait faite, il y a eu une controverse entre lui et Rabbi Yaakov Hemdin car on craignait que Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz ne fasse parti des derniers élèves qui restaient de Chabbataï Tsvi.
La divergence d’opinions était très dure et est allée très loin, au point que le ‘Hida écrit dans la préface de son livre le Birké Yossef :
« Je ne suis pas allé visiter cette ville car il y a en terre Ashkénaze une querelle entre les lions. Les Tables entières et les Tables brisées sont posées dans chaque coin de rue. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas allé à Hambourg car qui pourrait mettre son vêtement entre deux lions et n’en sortirait pas blesser ? » Le ‘Hida ne voulait pas aller à Hambourg pour ne pas prendre position. C’est dire l’intensité de cette controverse.
Une fois, Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz a dû voyager et en chemin il a dormi dans une auberge. Dans la salle à manger des gens prenaient le repas du soir. La discussion a rapidement tourné sur le sujet du moment. C’étaient des gens simples qui voyageaient pour leur travail.
Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz ne connaissait personne parmi eux et ils ont commencé à parler sur lui, il ne savait pas bien sûr que c’était lui, et ils ont commencé à dire plein de choses désagréables à son sujet. Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz se tenait de côté et il écoutait avec tristesse. Il ne comprenait pas pourquoi des gens aussi simples que cela commençaient à mettre leur tête dans une discussion dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants.
Enfin, n’y tenant plus, il s’approcha d’eux et leur dit :
- « Je vois que vous êtes des grands érudits je voudrais donc vous poser une question sur la Hagada de Pessah. »
Les gens se regardaient, ils le prirent pour quelqu’un de très simple et d’un air condescendant ils ont dit :
- D’accord pose-nous ta question. »
Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz leur dit ainsi :
- « A la fin de la Hagada il y a un chant qui s’appelle ‘Had Gadia. Ce chant nous raconte l’histoire d’un chat qui a mangé un agneau que mon père a acheté pour deux Zouzim,
Il est évident que le chat a fait quelque chose de mal, puisqu’il a mangé l’agneau que mon père avait acheté.
Si c’est ainsi, le chien qui l’a mordu a bien fait
Et donc le bâton qui a frappé le chien a eu tort.
Mais le feu qui a brûlé le bâton, lui, a bien fait.
Donc l’eau qui a éteint le feu a eu tort
Et le taureau qui a bu l’eau a eu raison.
Donc, le Cho’het qui a fait la Ché’hita au taureau avait tort.
Mais en revanche, l’ange de la mort qui a tué le Cho’het a bien fait.
La conclusion est difficile, car si c’est ainsi, pourquoi Hachem a-t-il tué l’ange de la mort ?
- On ne peut certainement pas dire que Dieu a mal agit puisqu’il est écrit dans Téhilim qu’Hachem est juste dans toutes ses actions. C’est pourquoi je vous demande, vous qui êtes des grands érudits, de répondre à cette question. »
Les gens ne riaient plus et ils ont commencé à regarder Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz différemment. Ne trouvant pas, ils lui ont demandé de donner la réponse.
Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz leur a répondu :
- « En fait, au début j’ai dit que le chat avait fait quelque chose de mal vis-à-vis de l’agneau et que le chien avait raison de mordre le chat.
C’est faux. Le chien a eu tort.
Car si le chat et l’agneau se disputent ensembles, de quel droit le chien vient-il se mêler d’une querelle qui ne le regarde pas. Ils ont peut-être de bonnes raisons de se disputer ensemble, et en fin de compte ils feront la paix entre eux plus tard. Mais qui a demandé à ce chien de rendre la justice ?
Si c’est ainsi, le chien a eu tort de mordre le chat.
C’est pourquoi le bâton a eu raison de frapper le chien
Mais le feu a eu tort de brûler le bâton,
Et c’est pourquoi l’eau a eu raison d’éteindre le feu,
Et donc le taureau a eu tort de boire l’eau,
Mais en revanche le Cho’het a eu raison de tuer le taureau.
Et donc l’ange de la mort a eu tort de tuer le Cho’het.
C’est pourquoi Hachem aura raison de tuer dans le futur l’ange de la mort, Il est juste dans toutes ses actions.
Rabbi Yéhonatan Eïbeschitz a poursuivi en disant :
- « Et maintenant, Messieurs, comprenez de vous-même, si deux Talmidé ‘Ha’hamim de grande renommée se disputent, leur querelle est pour l’honneur de la Torah. Mais vous, qui êtes des gens simples, pourquoi vous mêlez-vous d’une dispute qui ne vous regarde pas ? Pourquoi commencez-vous à donner votre avis sur chaque chose ? Vous ne savez même pas sur quoi ils discutent. »
La morale qu’il faut tirer de cette histoire est bien sûre évidente. Parfois nous voyons de grands Rabbanim qui ne sont pas d’accord entre eux. Les élèves parfois prennent partie. Parfois des mots sont lancés, des mots trop hauts, des mots trop chauds.
Nous devons à tout prix faire attention de ne pas nous mêler de telles querelles. Car ces Talmidé ‘Ha’hamim ont peut-être le droit de discuter entre eux de manière forte, mais il ne nous est certainement pas autorisé, à nous, de simples personnes, de nous mêler de leurs discussions ; et encore moins de critiquer l’un d’entre eux sauvagement.
Nous devons toujours nous souvenir de cette histoire du chat et de l’agneau car trop souvent nous sommes confrontés à ce problème. Tels élèves critiquent le « Rav d’en face » ou la « Kachrout d’en face ». Le pire, c’est qu’ils sont certains de faire la volonté d’Hachem. Rien n’est moins sûr …
Malheureusement, on peut aussi vouloir prendre position dans une querelle entre deux personnes, entre deux communautés ou parfois même entre deux époux qui divorcent, alors qu’on ne connait pas vraiment le fond du dossier. Et, au lieu de se taire on donne son avis car on connait mieux une partie que l’autre. On choisit à tort son camp.
Nous avons une règle dans toute la Torah : « Safek Déoraïta La’houmra, Safek Dérabanan Lakoula. » (Devant un doute sur un interdit de la Torah, par exemple dans les lois de Chabbat ou de Kachrout, on devra se montrer strict. Mais si le doute est sur un interdit Dérabanan on pourra se montrer moins sévère.)
Puisque l’interdiction de dire du Lachon Hara est clairement écrite dans la Torah, le Lachon Hara est donc un interdit Min Hatora, et en cas de doute nous devons nous montrer stricts.
Ce qui signifie que dans le cas où j’ai un doute si les paroles que je vais dire sont ou non du Lachon Hara, je n’ai absolument pas le droit de les dire, car je suis devant un Safek Déoraïta La’houmra. Et ce n’est que quand je suis certain que ce que je vais dire n’est pas du Lachon Hara que je peux parler.
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