
PARACHAT VAYEHI 2021
Notre Paracha commence par les mots : « Yaacov vécut dans le pays d’Egypte dix-sept ans » (Béréchit 47 ; 28).
Rachi nous explique qu’habituellement chaque Paracha est séparée de la précédente par un espace de neuf lettres (il y a donc dans le Séfer Torah un espace vide entre la fin d’une Paracha et le commencement de l’autre). Or ici, ce n’est pas le cas. Il n’y a aucun vide entre les deux Parachiot. On appelle cela une Paracha Sétouma (fermée).
Il s’interroge donc, pourquoi ici cette Paracha est-elle fermée ? Il répond que la Torah a voulu nous faire une allusion pour nous dire que lorsque Yaacov mourut, les yeux et le cœur des Juifs en Egypte « se fermèrent » à cause de la souffrance de l’esclavage car les Égyptiens commencèrent à les asservirent.
Nous remarquons donc que dans cet espace qui aurait dû être vide se trouvent écrit les mots « Yaacov vécu ». Quel Moussar pouvons-nous en tirer ?
Il peut sembler parfois à une personne qu’elle traverse soudain un épisode de vie « fermé ». De difficiles et amères épreuves s’abattent sur elle. Ses yeux et son cœur s’obscurcissent alors et elle ne sait plus vers qui ni quoi se tourner. Elle a l’impression qu’Hachem lui ferme toutes les portes.
Elle doit alors savoir que cette pensée n’est qu’une illusion, car la Torah elle-même écrit dans cette « fermeture » les mots « Yaakov vécut », pour nous enseigner que tous ces événements n’ont qu’un seul but : la rendre plus forte et la faire vivre.
Elle devra donc se renforcer dans une foi intègre et, même si elle ne comprend pas la conduite d’Hachem, il n’en est pas moins vrai que dans cette période, elle est train de se construire.
« Yaakov vécut dans le pays d’Egypte dix-sept ans ». Comme on le sait, Yaacov a deux noms : le nom « Yaacov » et le nom « Israël » qu’il a reçu quand il a lutté contre l’ange d’Essav (Béréchit 32 ; 29). Le nom Yaacov représente notre Patriarche quand il est « en bas » en situation d’infériorité, et le nom Israël le représente quand il est « en haut » en situation de supériorité.
De plus, le Passouk nous dit qu’il est « dans le pays d’Egypte ». Égypte se dit en hébreu Mitsraïm, c’est la même racine que le mot « Métser », étroit.
Nous avons donc dans notre Passouk deux termes négatifs : Yaacov qui suggère la situation d’infériorité du patriarche et Mitsraïm qui évoque l’étroitesse. Et quand même il est écrit « Yaacov vécut » !
Cette double allusion à une descente spirituelle dans un milieu hostile suscite une question : peut-on vraiment affirmer que pendant toutes ces années passées en Égypte « Yaakov vécut » ?
La réponse à cette question est donnée dans la suite même du verset : « dix-sept ans ». Dix-sept est la valeur numérique du mot Tov (bien). Puisque Yaakov accepta comme un bien et avec amour la manière dont Hachem le conduisit en Égypte, même sous son aspect de « Yaakov » (marquant la petitesse) et dans l’environnement étroit de l’Egypte, tout se transforma véritablement pour lui en bien.
Yaacov nous enseigne qu’on peut « vivre », même lorsqu’on est plongé dans les épreuves et l’adversité. Cela ne dépend que de la façon dont on gère les situations qui se présentent à nous.
Le Or Hahaïm HaKadoch développe à peu près la même idée sur le Passouk qui parle de la bénédiction de Yaacov à Yossef : « le D.ieu qui a été mon berger depuis que j’existe jusqu’à ce jour » (Béréchit 48 ; 15)
Yaacov mentionne le mérite grâce auquel il a pu survivre toutes ces années « le D.ieu qui a été mon berger ». Il se laissait conduire par la volonté d’Hachem, comme une brebis par son berger, voilà la recette !
La confiance en Hachem n’est pas seulement un mérite pour celui qui la possède, mais une source de bonheur, puisqu’il suit ainsi son Créateur avec sérénité, comme la brebis suit son berger, elle sait qu’elle est entre ses bonnes mains. Elle peut compter sur lui en toute quiétude, sans craindre pour sa subsistance, ni pour ce qui pourrait lui arriver.
C’est la raison pour laquelle les dirigeants du peuple juif sont appelés « bergers », car ils apprennent aux Béné Israël à suivre Hachem sans réfléchir, avec une foi simple.
La Guémara Makot (24a), après un long développement, conclu que Habakouk a basé toute la Torah sur un seul principe : « Le juste vivra par sa foi » (Habakouk 2 ; 4).
C’est un principe de base, car l’essentiel de la Emouna est que l’homme s’annule devant Hachem à travers tous ses traits de caractère, afin d’accepter la conduite du Créateur avec amour.
Sur le Passouk de notre Paracha : « Yaacov appela ses fils et dit : Rassemblez-vous et je vous raconterai ce qui vous arrivera à la fin des jours. » (Béréchit 49 ; 1)
Rachi rapporte la Guémara Pessa’him (56a) qui explique au nom de Rabbi Chimon ben Lakich que Yaacov voulait leur dévoiler ce qui se passera dans le futur lointain. Mais la Chékhina s’est éloignée de lui et il en a été incapable.
Le Séfat Emet précise que Yaakov voulut en fait dévoiler à ses fils que même au plus profond de l’exil, Hachem est présent et que tout provient de Lui. Il est seulement dissimulé derrière les évènements. Cependant, si les enfants de Yaacov en avaient pris conscience, le décret de l’exil aurait cessé immédiatement. Car puisqu’ils auraient vu Hachem en tout lieu, la notion d’exil n’aurait plus eu sa raison d’être.
En effet, lorsqu’un homme sait qu’il ne s’agit que d’un voile dissimulant la vérité, toutes les influences néfastes et les décrets rigoureux s’annulent sur le champ et la lumière d’Hachem se révèle au grand jour. Pour cette raison, la Présence Divine se retira de Yaakov afin que la volonté d’Hachem d’envoyer les Béné Israël en exil puisse s’accomplir.
Les épreuves apparaissent à l’homme comme des ténèbres épaisses, elles contiennent en réalité une grande lumière. Il mène une bataille permanente au cours de laquelle il doit faire preuve de ruse afin de se garder de tout mal. C’est grâce à ce combat et à la peine qu’il nous cause que nous recevrons une récompense.
