Térouma 2020

PARACHAT  TÉROUMA

 

Hazal disent que : « La Tsédaka sauve de la mort », pourquoi ?

Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord répondre à une autre question : Pourquoi Hachem a-t-il créé ce monde-ci et y a-t-Il placé l’être humain ?

En d’autres termes quel est le sens de la vie ?

Le Séfer Méssilat Yésharim explique que dans le monde des Néshamot (des âmes), nous ne pouvons pas réellement profiter de toutes les bontés infinies et éternelles qu’Hachem veut nous prodiguer pour la simple et bonne raison que nous n’avons fait aucun effort pour les mériter.

Ce concept est appelé par nos Sages Naama Dékissoufa, le pain de la honte. A l’image d’un fils unique qui reçoit tout de ses parents sans fournir le moindre effort. Même s’il dispose de tout ce qu’il peut souhaiter, les choses n’ont pas de goût pour lui puisqu’il ne s’est pas fatigué pour les mériter, car il ne fait que recevoir sans rien donner en contrepartie.

C’est pourquoi Hashem fait descendre les Néshamot dans ce monde où la présence d’Hachem est voilée, ce qui laisse à l’homme le libre-arbitre de donner ou de prendre, et ainsi il accumulera du mérite s’il fait le bon choix : celui de donner. Le Monde futur est, quant à lui, réservé à la réception du salaire que nous aurons mérité. Ce principe est résumé dans Pirké Avot par la maxime suivante : « Aujourd’hui pour les faire (les actes de bonté), demain pour recevoir leur salaire ».

Il ressort que l’essence même de la vie dans ce monde est de savoir donner et de s’éloigner du « prendre ». Ainsi celui qui s’attachera à cette conduite dans toutes les situations sera heureux dans ce monde, car il sera en harmonie avec la création qui est totalement vouée à ce but et parviendra à accomplir ce pourquoi il a été créé.

A l’inverse, celui qui ne pense qu’à prendre voudra toujours plus, ne sera jamais rassasié, et se plaindra toujours de son sort. Hachem a en effet créé ce monde-ci de telle manière que le « prendre » ne donne qu’une petite et courte satisfaction, sachant qu’il n’est qu’un moyen. Il a cependant choisi que le « Donner » apporte épanouissement et bonheur à celui qui s’y attache car c’est là le but ultime de ce monde-ci.

La Tsédaka, donner à ceux qui n’ont pas, est donc intimement liée à la notion de vie ; c’est l’explication que nous donnerons de : « La Tsédaka sauve de la mort », car seul celui qui donne peut réellement être appelé vivant ! Il faut savoir cependant, qu’Hachem a crée et renouvelle le monde matériel selon une réalité spirituelle plus profonde. Toutes les lois physiques sont « les habits » de lois spirituelles que nous ne voyons pas. Ainsi, puisque le don c’est la vie alors celui qui donne s’attache à la vie et méritera de voir ses jours s’allonger.

Dans la Paracha Ki Tissa il y a un Passouk qui nous enjoint de donner un don pour la construction du Mishkan : le Ma’hatsit Hachequel’ (le demi-Shéquel) « Pour le pardon de nos âmes » (Shémot 30 ; 15). Il y a dans ce prélèvement une allusion au mérite apporté par la Tsédaka.

Quand on analyse les lettres qui composent le mot « Ma’hatsit », on voit que :

  • Au centre du mot il y a un Tsadé qui fait référence à la Mitsva de Tsédaka.
  • Les deux lettres qui entourent de chaque côté le Tsadé sont le ‘Het et le Youd, qui ensemble forment le mot Hay, vivant.
  • Tandis que les deux lettres qui sont éloignées de la lettre centrale sont le Mem et le Tav qui ensemble forment le mot Mèt, mort.

La Tsédaka fait ainsi accéder à la vie et permet même de l’allonger. Elle repousse la mort, c’est ce que nous avons dit plus haut : « La Tsédaka sauve de la mort ».  

La Guémara Baba Batra (11a) nous dit qu’un juste nommé Binyamin Hatsadik vouait sa vie à aider autrui. Les habitants de la ville lui avaient confié les caisses de Tsédaka et il aidait tous les pauvres selon leurs besoins.

Malheureusement, une année de famine et de sécheresse arriva. Les nécessiteux défilaient sans cesse chez Binyamin. Le nombre de pauvres souffrant de la faim avait tant augmenté que les caisses se vidèrent très vite. Binyamin distribua tous les fonds jusqu’au dernier sou.

Alors qu’il avait fini de partager les dernières pièces qui restaient une veuve arriva : « Je vous en prie, supplia-t-elle, donnez-moi de quoi nourrir mes sept pauvres enfants…! Je n’ai même plus une miette de pain à leur donner. Nous sommes rongés par la faim ! Nous ne pouvons plus subsister ainsi ! ».

Binyamin n’avait pas le cœur à abandonner ces malheureux à leur triste sort mais il ne restait plus rien dans les caisses de la communauté. Bien qu’il ait des revenus modestes et qu’il vivait très humblement, il puisa dans son argent personnel la somme nécessaire pour nourrir cette famille pendant quelques temps.

Un jour, Binyamin tomba gravement malade. Son état était désespéré et tout laissait présager qu’il allait mourir. Les anges plaidèrent pour lui auprès d’Hachem : « Maître du monde, Tu as créé la race humaine avec un seul homme et de lui tous les autres hommes sont nés, afin d’enseigner aux hommes que celui qui sauve une vie c’est comme s’il sauvait l’humanité toute entière ! Ce Binyamin Hatsadik n’a pas seulement sauvé une personne de la mort mais une femme et ses sept enfants ! Ne l’épargneras-tu pas de la mort ? »

À ces mots, le Tribunal Céleste, lui décréta encore vingt-deux ans à vivre, comme le nombre des lettres de l’alphabet avec lequel est écrite la Torah.

La Guémara Shabbat (156b) nous rapporte que Rabbi Akiva avait une fille généreuse et aimable. Le jour de son mariage, la journée se passa sans incident. De nombreux invités de marque affluèrent Rabbi Akiva étant très aimé et vénéré de tout le peuple. Ce fut une fête magnifique. Les invités réjouirent les jeunes mariés comme il se doit. Il y eut des chants, des danses, des paroles de Torah et enfin, un excellent repas fut servi aux invités.

A l’heure où tous étaient installés devant des tables bien garnies, un pauvre arriva et resta debout à l’entrée de la salle. Il regardait les mets alléchants déposés sur les tables d’un air envieux car il avait faim. « Je vous en prie, donnez-moi quelque chose à manger, supplia-t-il d’une voix à peine audible, j’ai faim ! ». Mais personne n’entendit ce qu’il disait car tous étaient très occupés. Ni les domestiques qui servaient les plats avec zèle, ni les invités qui dînaient de bon appétit ne prêtèrent attention au pauvre et à ses supplications.

Quand la jeune mariée, remarqua enfin le malheureux affamé qui se tenait, gêné, à la porte, elle se leva de sa place discrètement pour savoir ce qu’il désirait. Lorsqu’elle comprit qu’il avait faim, elle n’hésita pas une seconde et prit l’assiette que son père lui avait servie et l’offrit au pauvre. Aucun des convives ne s’aperçut de ce qu’elle avait fait car elle le fit discrètement. Personne ne se rendit compte que la jeune mariée elle-même n’avait rien mangé au repas de ses noces.

Dans la soirée, elle voulut ôter de ses cheveux la grande épingle d’or qui maintenait son voile de mariée. Elle chercha du regard où elle pourrait déposer l’épingle sans crainte de la perdre et décida finalement de la coincer entre deux pierres, dans une fente du mur.

Le lendemain matin, elle se souvint de son épingle d’or et alla la retirer de l’endroit où elle l’avait placée. Quelle ne fut pas sa frayeur lorsqu’elle découvrit un serpent mort au bout de son épingle !

Quand Rabbi Akiva le vit, il comprit que ce serpent s’apprêtait à piquer sa fille, mais elle l’avait tué sans le savoir au moment où elle avait enfoncé l’épingle à l’endroit même où il s’était caché.

Il la questionna pour savoir quelle action elle avait pu accomplir pour mériter d’avoir été sauvée d’un mauvais décret le jour de son mariage.

  • « J’ai vu un pauvre qui demandait qu’on lui donne à manger, raconta-t-elle. Comme tout le monde était occupé par le repas de noces, j’ai pris la part que tu m’avais servie et je la lui ai offerte. 
  • Tu as accompli un réel acte de bienfaisance, lui dit Rabbi Akiva, c’est par ce mérite qu’Hachem t’a sauvée ».

Selon le Zohar ‘Hadach (2-61), un matin, alors que Rabbi Itsrak se rendait à la synagogue, il rencontra un pauvre qui tenait en main une pièce d’un demi-Maah (1 demi-sou). Le pauvre s’approcha de lui :

  • « Rabbi, le supplia-t-il. Ayez pitié de nous, permettez-nous de nous nourrir, mes enfants et moi. Nous avons très faim et nous n’avons rien à manger.

Rabbi Itsrak éprouva beaucoup de chagrin de ne pouvoir secourir ce pauvre homme car il se trouvait lui-même dans une situation très précaire.

  • Que puis-je faire ? Lui répondit-il. Comment pourrais-je vous aider à subsister alors que je n’ai qu’un demi-Maah sur moi ? 
  • J’ai un demi-Maah moi aussi, dit le pauvre. Si vous me donnez votre demi-sou et que je l’ajoute au mien, j’aurai alors un Maah entier et c’est exactement ce qu’il me faut pour acheter une miche de pain ! ».

Rabbi Itsrak s’en réjouit et lui donna sa pièce. Le pauvre pouvait ainsi rapporter une miche de pain à la maison pour calmer la faim de ses enfants.

La nuit suivante Rabbi Itsrak fit un rêve effrayant. Il vit qu’il se tenait au bord de la mer. Des ennemis arrivaient et voulaient le jeter dans l’eau. Toujours dans son rêve, son maître Rabbi Shimon Bar Yo’haï lui apparut. Il se tenait au loin et lui tendait la main pour le sauver, mais il ne parvint pas jusqu’à lui. Les ennemis le saisirent et le jetèrent à la mer. Il était déjà en train de se noyer lorsque soudain, arriva le pauvre auquel il avait donné la pièce d’un demi-Maah. Celui-ci le sauva de la noyade. Il le sortit de la mer et l’amena vers Rabbi Shimon Bar Yo’haï.

Tremblant de peur de tous ses membres, Rabbi Itsrak se réveilla. Heureusement, ce n’était qu’un rêve. Il comprit qu’Hachem lui révélait par là qu’un grave danger l’avait menacé et combien est grande la récompense qui attend celui qui vient en aide à un pauvre. Même son maître, un grand Sage pourtant, n’avait pu le protéger du danger. Seul, le mérite de son don au pauvre l’avait sauvé ! 

Un jour, un papa acheta cinq pains. Il demanda à son petit garçon qui venait tout juste d’apprendre à compter :

– « Mon fils, combien y a-t-il de pains ?

– Un, deux, trois, quatre … cinq ! répondit le petit garçon.

– Bravo ! dit le papa.

Quelques instants plus tard un mendiant se présenta à eux :

– S’il vous plaît, j’ai faim et je n’ai rien à manger.

Le père prit deux pains et les donna, avec un large sourire, à ce malheureux. Le papa demanda alors à son fils :

– Combien avons-nous à présent de pains ?

– Nous en avions cinq, tu en as donné deux au monsieur, il en reste euh…trois ! répondit fièrement le garçon.

– Non ! Il ne nous reste en réalité que deux pains. Ce sont les deux que nous venons de donner à ce pauvre qui avait faim. Alors que nous allons manger les trois pains qui sont devant nous, les deux que nous avons offerts nous resteront pour l’éternité et rien ne pourra nous les faire perdre… Dans la vie il ne reste que ce que l’on donne ! »

Nous finirons avec une parabole : Un homme très riche sentit sa dernière heure arriver et fit réunir ses fils à son chevet. Pensant que leur père allait leur parler de la répartition de l’héritage, ils accoururent assez vite.

Mais quelle ne fut leur déception lorsque le père annonça : « J’ai entreposé dans mon coffre-fort une très grosse somme d’argent dans toutes les monnaies du monde. Il y a des dollars, des euros, des shekels… Il y a aussi un gros diamant entouré d’un papier. Je vais bientôt partir pour un très long voyage et je ne sais pas ce qui m’attend dans l’au-delà mais je veux tout prévoir. Puisque je ne sais pas quelle monnaie y a cours j’ai prévu toutes sortes de billets et même un diamant afin de pouvoir éventuellement faire du troc. Bref, je souhaite donc être enterré avec mon argent ! ».

Lorsqu’il décéda, les enfants accomplirent malgré tout, la volonté de leur père.

Ce dernier se retrouva dans le monde futur et voilà qu’il fut pris d’une soif terrible. Il vit un kiosque et demanda à l’ange qui vendait des boissons de lui vendre une bouteille d’eau. Il lui tendit des dollars pensant que c’était la monnaie le plus courante dans tous les mondes.

  • « Désolé, dit l’ange, nous n’acceptons pas cela ici.

L’homme lui tendit un billet de cent euros qui lui fut aussi refusé. Il proposa d’autres billets mais l’ange refusa en lui expliquant que ce genre de monnaie n’avait pas cours ici.

L’homme se dit :

  • Mais oui ! Où avais-je la tête, c’est le Shekel qui a cours ici, comme en Israël.

Mais l’ange n’accepta pas non plus et l’homme commença à paniquer. Il sortit alors le diamant de son emballage qui n’était qu’un vieux bout de papier et le tendit à l’ange.

  • Désolé mais cela n’a aucune valeur ici.

L’homme était désespéré de voir que tout ce qu’il avait amassé pendant toute sa vie n’avait à présent plus aucune valeur.

Soudain, l’ange l’apostropha :

  • Attendez ! C’est quoi cet emballage que vous venez de jeter ? Faites voir. 

Il s’agissait d’un reçu d’une Tsédaka qu’il avait donné à une œuvre de bienfaisance. Il le donna à l’ange qui lui dit d’un visage lumineux :

  • Oui, c’est cela qui sert de monnaie courante dans ce monde ! »

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