PARACHAT VAÈTHANAN
Rachi explique au début de notre Paracha que Moshé Rabbénou a prié Hachem pour qu’il le laisse entrer en terre d’Israël. Hachem avait décrété précédemment que Moshé ne rentrerait pas en Israël. C’est pourquoi, après la conquête des pays des rois Sihon et Og, représentant en quelque sorte les prémices des futures guerres de conquête du territoire d’Israël, Moché s’est imaginé que peut-être le vœu divin interdisant son entrée en Eretz Israël était annulé.
(Bien que ces deux pays soient du côté Est du Jourdain et donc ne font pas partie de la terre d’Israël, mais puisqu’on est obligé de les traverser pour pénétrer en Israël, ils sont considérés comme les verrous de la porte qui clôt l’entrée de la terre promise. Les conquérir est assimilé au début de la conquête de la terre sainte. Moché peut donc penser à juste titre que, si Hachem lui a permis de commencer cette guerre, il lui permettra aussi de la poursuivre à l’intérieur même du pays.)
Hazal nous dévoilent qu’à cet instant Moché a prié 515 prières dans le seul but d’infléchir en sa faveur la décision divine et annuler ce décret. C’est pourquoi, notre Paracha commence par l’expression Vaèthanan èl Hachem (et j’ai demandé une grâce à Dieu). Le mot Vaèthanan en hébreu a une valeur numérique de 515. Mais 515 est également la valeur numérique du mot Téfila (prière, si on l’écrit sans le Youd).
Malheureusement, ses efforts n’ont pas été couronnés de succès. Hachem lui a juste dit de monter sur la montagne et de contempler le pays d’Israël. Moché devait se suffire de voir le pays mais il ne pourrait pas y pénétrer.
La réaction divine est d’ailleurs surprenante car lorsque Moché demande à voir le pays, Hachem répond : « Assez, ne m’en parle plus ! Monte sur le sommet… Et regarde ; tu ne traverseras pas ce Jourdain.»
Pourquoi demander à Moché d’arrêter de prier ? En quoi quelques prières supplémentaires pouvaient-elle déranger Hachem ?
Le Midrach (Vayikra Rabba 5;8) répond que les Béné Israël sont appelés Guiborime (des hommes forts) car ils savent trouver des compromis avec leur Créateur quand celui-ci a décrété des mauvaises choses.
Un peu comme un pauvre qui, à la porte d’une maison, en premier ne sollicite qu’un peu d’eau. Bien entendu on la lui donne. Et qui, ensuite, quémande un oignon, qu’on lui donne également. Et qui enfin explique qu’un oignon sans du pain cela ne sert à rien. On est donc obligé de lui donner aussi du pain. Enfin de compte, il a reçu un repas et à boire. Il n’est pas certain qu’il en aurait eu autant s’il avait tout réclamé du premier coup.
De même, le Klal Israël sait comment apaiser Hachem et se réconcilier avec lui, en trouvant des arrangements favorables aux deux parties.
Dans le Psaume 19 versets 13 et 14, David s’adresse à Dieu et lui dit : « Chéguiyot mi yavine ministarot nakéni. Gam mizédime hassoh avdéha al imchélou bi az eïtam vénikéti mipécha rav »
La Guémara Sanhédrine (107a) explique que, suite à la faute de Batchéva (Chémouel 2,11)[1], David s’est comporté dans ce Tehilim comme un colporteur par ses marchandages avec Hachem. Il lui a dit :
- Maître du monde, Chéguiyot mi yavine … (Qui peut se rendre compte des faux pas ? C’est-à-dire les fautes faites Béchoguèg, sans faire exprès)
- Je te les pardonne répond Hachem
- Ministarot nakéni (rend moi innocent des fautes cachées.)
- Je te les pardonne
- Gam mizédime hassoh avdéha (Plus encore, pardonne aussi à ton serviteur les fautes volontaires, Mézide)
- Elles te sont pardonnées
- Al imchéhou bi az eïtam (Que les Hakhamim ne parlent pas à mon sujet en mal)
- C’est accordé
Mais quand David a continué en demandant :
- Vénikéti mipécha rav (Que je sois pur de mon grand péché commis avec Batchéva et qu’il ne reste pas inscrit dans mon histoire.
À cette requête, Dieu répondit :
- Ce n’est pas possible. L’histoire est déjà écrite. Je ne peux pas ôter du texte un passage entier. La Torah elle-même si opposerait.
La Guémara continue en expliquant que David a voulu que Hachem lui pardonne sa faute entièrement.
Mais Dieu a refusé, Il lui a répondu : « Ton fils Salomon dira un jour dans sa sagesse (Proverbes 6;27) : « Peut-on attiser du feu dans son sein, sans que les vêtements soient consumés ? Peut-on marcher sur des charbons ardents, sans se brûler les pieds ?
Il en est ainsi de celui qui approche de la femme de son prochain. Il ne sera pas innocent celui qui la touche. »
Mais David insiste pour être pardonné. Hachem lui dit d’accepter des épreuves en châtiment de sa faute, et David accepta.
Pendant six mois David fut affligé de la lèpre, la présence divine le quitta et le Sanhédrine s’écarta de lui.
Alors David dit :
- Souverain du monde, pardonne-moi ce péché.
- Je te le pardonne.
- Fais un signe à ma faveur et que mes ennemis soient confondus en le voyant.
- Je ne ferai pas connaître ton pardon de ton vivant, mais du vivant de ton fils Salomon.
En effet, lorsque le roi Salomon construisit le Beith Hamikdach, il voulut introduire l’arche sainte dans le sanctuaire, mais les portes restèrent hermétiquement closes. Il implora le Ciel mais ses prières ne furent pas exaucées. Alors il s’écria : « Souviens-toi des grâces promises à David ton serviteur » et il fut exaucé. Au même instant, tout Israël su que Hachem avait pardonné à David
Nous voyons de cette Guémara comment David, grâce à son marchandage, a commencé, au début, à demander un peu et a fini par obtenir beaucoup.
Nous retrouvons cette idée dans un autre Psaume de David (Tehilim 85;8) : « Montre-nous, Hachem, ton amour; et ton secours, accorde-le nous.»
En premier David demande seulement à Hachem qu’Il lui montre son amour et ensuite il veut qu’Il lui donne son secours. Un véritable don !
C’est la technique que voulait employer Moché dans notre Paracha. Il a tout d’abord demandé: « Laisse-moi… Je voudrais voir ce pays de l’autre côté du Jourdain » (3; 25). Même s’il devait mourir tout de suite après avoir vu le pays d’Israël. Mais en fait, son intention était de demander encore plus ensuite. C’est pourquoi Hachem, pressentant les desseins de Moshé, l’autorise à voir le pays mais sous condition de ne plus rien demander d’autre comme il en avait l’intention.
C’est ce que dira le Passouk : « Assez, ne m’en parle plus ! Monte sur le sommet, porte des regards… Et regarde de tes yeux ; tu ne traverseras pas ce Jourdain. (3 ; 26 et 27)
Hachem était obliger d’interdire à Moché de continuer à prier car la force de la prière est telle qu’elle peut inverser un décret divin. Et pour des raisons connues de Dieu Seul, Moché ne pouvait pas entrer en Eretz Israël.
Moché a mis toute son énergie dans ses ultimes prières, qui mieux que lui en connaît les secrets? Souvenons-nous que grâce à sa prière il a réussi à annuler les funestes décrets qui pesaient dans le désert sur les Béné Israël. Et qui mieux que lui connaît l’importance d’habiter en terre d’Israël? C’est pourquoi il a prié de toutes ses forces.
Le Ben Ich Haï explique que si le mot Vaèthanan (représentant la prière) a une valeur numérique de 515, le mot Israël, en hébreu, a lui une valeur numérique de 541. La différence entre ces deux mots fait 26, le Nom divin.
Le mot Chira (un chant) a également, en hébreu, une valeur numérique de 515. Chira représente la Torah, comme le dit le verset : « Véata kitvou lakhem èt hachira hazot » (Et maintenant écrivez pour vous ce chant) (Dévarim 31;19). Et donc, sa différence avec le mot Israël fait aussi 26, le Nom divin.
Nous pouvons en déduire un principe fondamental : l’étude de la Torah et la prière sont les liens qui unissent Dieu à son peuple Israël ! Si nous désirons nous attacher à Hachem, nous avons devant nous deux chemins : la Torah et la prière, l’une ne va pas sans l’autre. Il suffit d’être entier et sincère.
Nous sommes aux portes du mois de Eloul, que cette Paracha soit pour nous une source d’inspiration pour nous améliorer dans notre prière et notre étude journalière. Amen.
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[1] L’un des récits qui prête le plus à confusion dans le Tanakh est celui de David et Batchéva. David aperçut Batchéva, une femme mariée, dont le mari Ouria, se trouvait au loin en guerre, et cohabita avec elle. Craignant de concevoir et que son action soit découverte, il tenta de persuader Ouria de rentrer à la maison pour que la grossesse qui s’en suivrait soit attribuée à Ouria. Mais celui-ci refusa et retourna sur le champ de bataille. David envoya une lettre au général d’Ouria, Yoav, pour lui demander de placer Ouria sur la ligne de front de sorte qu’il ait de fortes chances d’être tué, et c’est en effet ce qui se produisit. Peu de temps après, David épousa Batchéva et elle donna naissance à un enfant. Immédiatement après, le prophète Nathan réprimande sévèrement David pour cette faute, et bien que David se repente tout de suite, il fut puni par plusieurs tragédies, dont la première fut la mort du bébé.
A un niveau superficiel, il semblerait que David ait commis une terrible faute, dont un adultère et un meurtre, mais connaissant la grande vertu de David, ce n’est certainement pas le cas, et le Tanakh applique un principe connu en amplifiant grandement les fautes des Tsadikim pour que nous puissions appliquer leurs fautes subtiles à notre propre existence.
Hazal nous disent (Guémara Chabbat 56a) que toute personne affirmant que David a fauté commet une erreur, car l’usage était, lorsque les membres de l’armée de David partaient en guerre, de donner un Guet (acte de divorce) à leurs épouses de sorte que si le soldat ne rentrait pas, leurs épouses ne resteraient pas Agounot, en se retrouvant dans l’incapacité de se remarier si elles n’étaient pas en mesure d’apporter des preuves solides de la mort de leurs époux.
Rachi explique la Guémara ainsi : les hommes donnaient à leur épouse un Guet conditionnel : s’ils ne revenaient pas de la guerre, le Guet pourrait fonctionner rétroactivement.
Les Tossafot s’opposent et soutiennent que les hommes donnaient un Guet intégral, de sorte qu’elles étaient réellement divorcées, mais cette procédure se tenait dans le plus grand secret pour éviter que d’autres hommes ne s’approchent de leurs épouses pendant qu’ils se trouvaient au loin.
D’après l’une ou l’autre opinion, David a été traité comme un fauteur, car aux yeux d’un observateur, il avait commis une transgression avec une femme mariée, et cela a engendré un ‘Hiloul Hachem (une profanation du Nom de Dieu).
Pour la question selon laquelle il semblerait que David ait causé la mort d’Ouria, la Guémara affirme qu’Ouria était en réalité condamné à mourir en vertu de sa rébellion contre le roi, qui est condamnable par la mort. Nous voyons dans les versets que David avait ordonné à Ouria de rentrer chez lui pour retrouver son épouse en pleine bataille, mais Ouria avait refusé, prétendant qu’il ne pouvait quitter son général Yoav, qu’il nomma « Mon maître Yoav ».
Rachi explique que cette rébellion contre la royauté a été le fait qu’Ouria a donné un titre de déférence à Yoav en présence du roi.
Les Tossafot pensent que cela ne constitue pas une rébellion contre le roi, mais la transgression d’Ouria a été d’avoir refusé d’écouter les instructions de David qui lui a demandé de rentrer chez lui.
Néanmoins, David a été critiqué, car il aurait dû faire juger Ouria par le Sanhédrin, plutôt que d’engendrer sa mort sur le champ de bataille.
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