Vayakel-Pékoudé 2020

PARASHAT VAYAKEL

La Paracha Vayakel commence avec la grande Mitsva de garder le jour du Shabbat : « Durant six jours le travail sera fait ; et le septième jour, sera sain pour vous, un repos complet pour l’Éternel. Quiconque y fera un travail sera mis à mort. Vous n’allumerez pas de feu dans toutes vos demeures le jour du Shabbat. » (Shémot 35 ; 1 à 3)

Une question se pose dès le début dans la phrase : « Durant six jours le travail sera fait ». Que signifie « le travail sera fait (Téassé) » ?

On aurait dû dire : « (Taassé) tu feras le travail », le verbe Téassé (sera fait) sous-entend que le travail se fait tout seul ?  

Grâce à cette question nous voyons l’importance de la Émouna pour tout ce qui touche la Parnassa.

En effet, ne peut se reposer d’un « repos complet pour l’Éternel » le jour du Shabbat, que celui qui a compris que toute la Parnassa est décrétée du Ciel à Rosh Hashana et que cela ne sert à rien de faire une trop grande Ishtadéloute.

Les efforts que l’on faits pour gagner sa vie ne sont là que pour cacher l’action divine mais ils n’influent en rien dans la bénédiction que l’on reçoit.

Notre part de travail est obligatoire, mais nous ne devons surtout pas penser que c’est nous qui faisons tout. Nous n’aurons que ce que Hachem veut bien nous donner. Et ce, quelque soient nos efforts. En fait, tout dépend de notre Émouna.

Celui qui ne pense pas ainsi ne peut pas se reposer le Shabbat d’un « repos complet pour l’Éternel », car il doit encore faire ceci et dire encore cela, sinon il pense qu’il ne recevra pas son dû, que sa réussite dépend de son investissement en temps et en efforts. Comment un tel personnage peut-il garder Shabbat comme il se doit, et surtout, comment peut-il se pénétrer de l’esprit de Shabbat ?   

Le Passouk nous précise : « Durant six jours le travail sera fait (Téassé) » et non Taassé, (tu feras le travail).

C’est-à-dire : nous devons savoir que le travail se fait tout seul, nous n’aurons que ce qui est prévu pour nous, pas un sou de plus.

« Le travail sera fait » signifie : N’allons pas croire que ce sont nos efforts qui y font quelque chose, la Béraha vient d’Hashem, c’est Lui qui fait tout. C’est comme si notre travail se faisait tout seul.

Celui qui raisonne ainsi peut, le jour du Shabbat, tout oublier et réellement se reposer de son travail de la semaine. Car il est serein, il sait que ce n’est pas parce qu’il ne va pas travailler un jour, qu’il perdra de l’argent et qu’il n’aura pas sa Parnassa. Il pourra donc accomplir la fin du Passouk : « et le septième jour, sera sain pour vous, un repos complet pour l’Éternel. »

C’est pourquoi, dans notre Parasha, Moshé parle aux Béné Israël en premier de la Mitsva de garder Shabbat et tout de suite après des dons que chacun se doit d’apporter pour la construction du Mishkan.

Une fois que les Béné Israël ont compris qu’ils peuvent se reposer le Shabbat car le travail est fait par Hashem ; alors seulement ils peuvent faire des dons au Mishkan, car ils savent que l’argent récolté par leur travail n’est pas le fruit unique de leurs efforts, mais que c’est Hashem qui en a décidé ainsi. Ils donneront donc plus et de façon plus “libérée”. Comme le dit le Passouk : « Tout vient de Toi, et c’est de Ta main que nous Te donnons. » (Divré Hayamim 29 ; 14)

Dans la même idée, Hazal nous ont demandé de manger du poisson le Shabbat. En effet, certains poissons se nourrissent en mangeant des poissons plus petits qu’eux. C’est-à-dire que le gros poisson court derrière le petit poisson et l’avale.

Si c’est ainsi, quand on ouvre le gros poisson on devrait trouver dans son ventre le petit poisson qui a été avalé avec sa tête du côté de la tête du gros poisson et sa queue du côté de la queue du gros poisson, puisqu’ils nagent tous les deux dans le même sens et que le gros poisson avale le petit par la queue.

Or, il n’en est rien, le petit poisson est positionné à l’envers, sa queue côté tête du gros poisson et sa tête côté queue du gros poisson. Pourquoi ? Car s’il est vrai que le gros poisson court derrière le petit pour l’avaler, mais, en fin de comptes, il ne mangera pas celui derrière qui il court et se fatigue pour l’attraper. Non ! Il mangera celui qu’Hashem a décidé et qui viendra directement dans sa bouche se faire avaler.

C’est le petit poisson, en fait, qui nage vers le gros poisson. Exactement l’inverse de ce qu’on pourrait croire.

Hazal nous demande de manger du poisson le Shabbat afin que ceux qui gardent le Shabbat comprennent qu’ils ne doivent pas s’inquiéter pour leur Parnassa. On pense qu’on va vers la Parnassa mais en réalité c’est la Parnassa qui vient à nous !

Comment parler de Shémirat Shabbat sans raconter la merveilleuse histoire suivante sur le Hafetz Haïm rapportée par Rav Schwadron Zatsal :

Une année, à l’occasion de l’anniversaire de la mort du Hafetz Haïm, un Rav de Miami fit un discours sur la vie et l’œuvre de ce dernier. Il cita de nombreux Séfarim que le Hafetz Haïm avait écrits sur la Halaha et le Moussar. Il loua son caractère exceptionnel, et rappela plusieurs histoires qui illustrent bien, selon lui, l’amour sincère que le Hafetz Haïm éprouvait envers son prochain.

Il y avait une histoire que le Rav aurait voulu raconter, mais il était gêné car il n’en connaissait qu’une partie. Il hésita, puis décida que toute histoire, même inachevée, qui parlait du Hafetz Haïm contenait certainement un message.

Il commença à parler d’un élève qui étudiait dans la Yéchiva du Hafetz Haïm à Radin, et qui fut découvert en train de fumer une cigarette le jour du Shabbat. Plusieurs étudiants de la Yéchiva l’avaient surpris en train de violer la sainteté de ce jour sacré et les rabbanim de la Yéchiva décidèrent de renvoyer le garçon. Mais quand le Hafetz Haïm eut vent de l’affaire, il demanda à voir cet élève chez lui.

Parvenu à ce point de son récit, le Rav s’interrompit et dit : « Je ne sais pas ce que le Hafetz Haïm a dit au garçon. Je sais simplement qu’ils ne sont pas restés ensemble très longtemps. Je donnerais cher pour savoir ce qu’il lui a raconté, car on m’a dit que le jeune homme n’avait plus jamais transgressé le Shabbat. Comme ce serait merveilleux de pouvoir transmettre ce message, quel qu’il soit, à d’autres, pour les encourager dans leur Shémirat Shabbat, et obtenir les mêmes résultats. » Le Rav poursuivit ensuite son discours.

Après la conférence, la salle se vida complètement à l’exception d’un vieil homme, il restait sur son siège, seul avec ses pensées. De loin, il paraissait être pris de tremblements, comme s’il pleurait ou claquait des dents. Le Rav se dirigea vers le vieillard, s’assit à ses côtés et lui demanda :

« Est-ce que tout va bien ? 

– Comment connaissez-vous cette histoire de cigarette du Shabbat ? Demanda l’homme en guise de réponse. Il ne leva pas les yeux, visiblement encore très ému et bouleversé.

– Je n’en sais rien, répondit le Rav, je l’ai entendue il y a quelque temps. Je ne me rappelle même pas qui me l’a racontée.

Le vieil homme regarda le Rav d’un air embarrassé.

– C’était moi l’élève.  

Le Rav resta sans voix, il était stupéfait par le fait d’avoir raconté cette anecdote en public le jour précis où cet homme se trouvait dans l’assistance. Il laissa l’homme se remettre de ses émotions qui semblaient l’envahir à nouveau. Ces événements dramatiques, survenus plusieurs années auparavant avaient soudain repris vie. Hier était brutalement devenu aujourd’hui, et il était bouleversé par ce bond dans le passé.

Puis le vieil homme dit : 

– Je vais vous raconter ce qui s’est passé. Cet incident s’est produit en 1920, quand le Hafetz Haïm avait plus de quatre-vingts ans. J’étais terrifié à l’idée de devoir me rendre chez lui et lui faire face. Mais quand je suis arrivé chez lui, j’ai constaté avec stupéfaction la pauvreté dans laquelle il vivait. Je n’arrivais pas à concevoir qu’un homme de son importance pût se contenter de vivre dans un tel cadre.

Tout à coup, il est entré dans la pièce où je l’attendais. Il était très petit. A cette époque je n’étais qu’un adolescent, et il m’arrivait aux épaules. Il a pris ma main et l’a serrée tendrement dans les siennes. Il l’a levée jusqu’à son visage, et quand j’ai regardé ses trais pleins de bonté, il avait les yeux fermés. Quand il les a rouverts, j’ai vu qu’ils étaient remplis de larmes.

D’une voix faible, pleine de douleur et de reproche, il m’a dit : « Shabboso … hailiger (saint) Shabbos ! » Mon cœur s’est mis à battre et j’ai eu terriblement peur. Il tenait à peine ma main, mais j’avais l’impression d’être enchaîné par des liens de fer ! Des larmes coulaient de son visage et l’une d’entre elles a roulé sur ma main. J’ai cru qu’elle allait me transpercer la peau. Quand je repense à ces larmes aujourd’hui, je sens encore leur chaleur. Je n’arrive pas à vous décrire le sentiment terrible que j’éprouvais en voyant ce grand Tsadik pleurer par ma faute. Mais malgré ses reproches, qui tenaient en ces deux mots, je sentais qu’il n’était pas en colère contre moi, mais plutôt triste et déçu que j’ai personnellement trahi sa confiance. Il semblait effrayé par les conséquences de mes actions. »

Le vieil homme se tut, perdu dans ses pensées. Le jeune garçon ne se pardonna jamais d’avoir causé un tel tourment au vieux Tsadik, et maintenant, devenu vieux à son tour, il caressait la main qui portait la cicatrice invisible de cette précieuse larme. Restée gravée en lui, elle lui avait rappelé, chaque semaine de sa vie, d’observer le Shabbat.

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