Vayéshèv 2019

PARASHAT  VAYÉSHÈV

« Et Yossef fut descendu en Egypte. Potifar, officier de Pharaon, l’acheta de la main des Ychmaélites … Hachem était avec Yossef, … tout ce qu’il faisait, Hachem le faisait réussir … Yossef trouva grâce aux yeux de son maître… il le nomma intendant sur sa maison … » (Béréchit 39 ; 2,4).

La Torah attribue le succès de Yossef au fait que « Hachem était avec Yossef ».

Rachi explique : « Hachem était avec lui » signifie que le nom d’Hachem était fréquent dans sa bouche.

Le Midrach Tan’houma (Vayechev 8) raconte que lorsqu’il entrait pour servir son maître Potifar, il murmurait : « Hachem, Tu es celui en qui j’ai confiance, Tu es mon Maître. Que je trouve grâce, bonté et miséricorde à Tes yeux, aux yeux de tous ceux qui me voient et aux yeux de Potifar… »

Nous aussi, nous avons souvent le nom d’Hachem en bouche : « Baroukh Hachem… Béézrate Hachem… » mais nous n’avons pas toujours la réussite de Yossef.

Quel est donc son secret ?

Dans quelques jours nous fêterons Hanoucah. Pendant les 8 jours de fête nous louerons Hachem pour les miracles qu’Il nous a fait à cette époque en ajoutant « Al Hanissim » dans la Amida.

En voici un extrait : « Au temps de Matatia ben Yoh’anan … quand l’empire grec impie s’est levé contre Ton peuple Israël pour leur faire oublier Ta Torah et les détourner des décrets de Ta volonté…Tu t’es tenu avec eux dans leurs souffrances…Tu as livré :

  • Les forts dans les mains des faibles,
  • Les nombreux dans les mains des peu nombreux,
  • Les impies dans les mains des justes,
  • Les impurs dans les mains des purs,
  • Les fauteurs dans les mains de ceux qui étudient ta Torah… ».

Le Rav Friedlandler s’interroge sur ce texte. La première colonne représente les Grecs (forts, nombreux, impies, impurs et fauteurs), la deuxième colonne représente les Juifs (faibles, peu nombreux, justes, purs et étudiant la Torah). Le texte semble nous donner les raisons de la victoire des Juifs sur les Grecs, car ils étaient justes, purs et étudiant la Torah. Si c’est ainsi on ne comprend pas en quoi le début de ce texte, faibles et peu nombreux, est aussi une raison de leur victoire.

La Guémara Taanit (25a) raconte l’histoire de Rabbi Hanina Ben Dosa qui vit sa fille attristée la veille d’un Shabbat.  

  • Pourquoi es-tu triste ?  Lui demanda-t-il.
  • En préparant l’huile pour les lumières de Shabbat, j’ai confondu le récipient d’huile et celui de vinaigre et j’ai versé du vinaigre dans la lampe. Répondit-elle.
  • Qu’est-ce que cela fait ? Celui qui a dit à l’huile de brûler dira au vinaigre de brûler ! 

La lampe brûla tout Shabbat et ils purent même se servir de la flamme pour allumer la lumière de la Havdala.

Les commentateurs posent plusieurs questions sur cette étonnante histoire :

  • On ne doit pas compter sur les miracles (Pessah’im 64b)
  • Rabbi Yanaï dit qu’un homme ne doit pas se tenir dans un endroit dangereux en comptant sur un miracle car peut être qu’il n’en aura pas. Et s’il mérite qu’on lui fasse un miracle se sera déduit sur son compte de Mitsvot. (Ce qui n’est pas du tout souhaitable) (Taanit 20b).

Le Rav Dessler explique qu’il n’y a pas en réalité de véritable différence entre le naturel et le miraculeux. Tout ce qui se passe dans le monde n’a pas d’autre cause que la volonté d’Hachem (même si souvent nos yeux trouvent des causes humaines et logiques aux évènements).

Nous appelons « miracles » les actions d’Hachem que nous n’avons pas l’habitude de voir. Nous parlons de « lois naturelles » pour désigner les évènements qu’Hachem renouvelle selon un modèle reconnaissable ou familier.

Par exemple, si la mer Rouge s’ouvrait tous les jours à 12h00 nous n’en parlerions plus comme d’un miracle. Cette familiarité avec les actions quotidiennes d’Hachem est une épreuve pour l’homme. Ou il choisit de les attribuer directement à la volonté divine ou il choisit de considérer que les choses fonctionnent toutes seules, naturellement.

Rabbi H’anina Ben Dosa à force de travailler sur sa Emounah a réussi à surmonter l’épreuve de la « nature » et son illusion, à tel point qu’il n’existait plus pour lui de différence entre un événement dit « naturel » et un évènement plus rare que l’on appelle miracle. On ne peut donc plus lui reprocher de compter sur un prodige car il attribuait tout ce qu’il voyait à la volonté divine avec la même ferveur. Puisque pour lui tout est miracle, Mida kénégued mida (mesure pour mesure) Hachem a décidé de lui envoyer de nombreuses faveurs, même si elles paraissent exceptionnelles à nos yeux.

Dans notre Parasha, Yossef s’est également distingué par son extraordinaire Emounah. Il ne voyait, dans tous les évènements de la vie courante et dans toutes ses réussites, que la main bienfaitrice d’Hashem. Il n’est donc pas étonnant de constater sa miraculeuse réussite qui l’a fait passer de prisonnier à Vice-roi !

Notre Paracha nous révèle son secret : « le nom d’Hachem était perpétuellement dans sa bouche ». A force de remercier sincèrement Hachem pour chaque chose et de placer toute sa confiance en Lui malgré les épreuves, Yossef a pu atteindre de hauts niveaux de Emounah.

Le Rav Friedlander ajoute que si Yossef s’est tellement renforcé en Emounah c’est parce qu’il n’hésitait pas à prier Hachem à de nombreuses reprises dans la journée, même pour de petites choses, montrant ainsi qu’il était conscient que tout est entre Ses mains. C’est de cette manière qu’il a réussi (comme Rabbi H’anina Ben Dosa après lui) à annuler la notion de nature et de miracle, en priant Hachem pour des choses simples et naturelles, de la même manière que l’on prie Hachem pour qu’il nous envoie de grandes délivrances.

C’est ainsi qu’Hachem veut que l’on se comporte avec Lui. Il attend qu’on se tourne vers Lui constamment et pas seulement dans les situations désespérées.

D’ailleurs il est tranché dans le Choulkhan aroukh (Ora’h H’ayim 230-4, expliqué par le Michna Broura 6) qu’avant la prise de médicament, ou avant n’importe quel soin médical, nous avons l’obligation de dire une prière pour leur réussite afin d’affirmer et d’ancrer en nous que la guérison n’est qu’entre les mains d’Hachem.

Le Chaar Hatsioune (sur place) ajoute qu’avant chaque entreprise (même une simple course) nous devons prier pour que Hachem la fasse réussir.

Le Rav Friedlander répond qu’en fait, les cinq expressions de la prière de « Al Hanissim », citées pour décrire les Juifs (faibles, peu nombreux, justes, purs et étudiant la Torah) sont toutes des raisons qui expliquent leur victoire, même les termes « faibles » et « peu nombreux ». Se sentir faible est en réalité un atout pour gagner, car Hachem n’aide pas ceux qui se croient forts, ceux qui ne reconnaissent pas qu’ils ont besoin de Lui dans tous les domaines. Comme il est écrit dans les Téhilim (100 ; 3) : « Il est notre D. et nous sommes Son peuple, le petit bétail qu’il fait paître ».

Le Midrach (Yalkout Chimoni 247) commente : Quand est ce que nous sommes Son peuple ? Quand nous nous sentons comme un petit bétail dépendant de son berger. Si au contraire nous nous sentons forts comme des lions et que nous nous en vantons, nous ne sommes plus aimés par Hachem.

Ainsi une des marques de grandeur spirituelle la plus importante pour un Juif c’est de se sentir petit, faible comme un agneau, entièrement dépendant d’Hashem. Dans la prière de « Al Hanissim », les Juifs sont appelés « faibles » pour rappeler cette qualité d’humilité.

De même le facteur nombre (une dizaine contre des millions de Grecs) ne fut pas un handicap pour cette victoire entièrement miraculeuse, car seuls des hommes qui sont capables de partir au combat avec si peu de soldats sont aptes à être sauvés par Hachem et à mériter de si grands prodiges. Par leur abnégation, ils ont prouvé leur attachement à la Torah et leur confiance en Hachem qui dépasse de loin la logique et le rationnel. C’est justement parce qu’ils étaient peu nombreux, preuve de leur Emounah parfaite, qu’ils ont remporté la guerre.

Il est écrit dans Mishlé « Reconnais Hachem dans tous tes chemins et Il les aplanira » (3,6). Rabénou Yona commente : il existe des personnes qui ne prient Hachem que pour des choses importantes : une affaire commerciale, un grand voyage… mais lorsqu’il s’agit d’un évènement courant, ils ne Le mentionnent pas. Peut être parce que la chose leur semble naturelle, ou parce que son échec n’entraînerait pas de graves conséquences.

Cependant, même si c’est une petite chose au niveau matériel et qu’à nos yeux elle ne mérite pas une prière. Au niveau spirituel, en revanche, l’enjeu est énorme car cette prière nous permet d’ancrer en nous que tout dépend d’Hachem de façon équivalente, la nature et le miracle.  

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