Vayétsé 2019

PARASHAT  VAYÉTSÉ

Le cerveau est un outil des plus utiles mais comment et quand l’utiliser ?

Certains utilisent leur cerveau pour tout ce qui concerne les défis physiques et matériels que lance la vie : diriger une entreprise, écrire un CV, acheter une maison, construire un bateau, faire un programme pour ses élèves, etc. Vient ensuite la vie intérieure, spirituelle : les convictions religieuses, les moments de méditation et de prière, ces choses-là ne peuvent être rationalisées ou pesées avec les critères de la logique. Ce sont les domaines du subconscient.

D’autres ont une approche diamétralement opposée, pour eux l’aspect spirituel de la vie est le plus important et c’est là qu’on a le plus besoin de son cerveau. Pour tout ce qui est matériel on peut se permettre de laisser agir le « pilote automatique », ce n’est pas important, et si cela ne réussit pas aussi bien que cela le devrait, ce n’est pas la fin du monde.

Qui a raison et qui a tort ?

Selon le Midrash, Yaakov, voyageant d’Eretz Israël vers ‘Haran, passa une nuit au Mont Moriah (le Mont du Temple): « Il arriva à l’endroit, il dormit là-bas, car le soleil s’était couché…et il s’allongea dans cet endroit. » (Béréchit 28 ; 11)

Comme le soulignent Hazal à maintes reprises, la Tora ne contient pas un mot ou une lettre en trop. Quel est donc le sens de ces mots apparemment superflus : « et il s’allongea dans cet endroit » Puisque la Tora nous a déjà dit : « il dormit là-bas » ? Quel message se cache derrière ces mots ? S’il a dormi, automatiquement il s’est allongé.

Le Midrach dit :

  • Dans ce lieu il s’allongea, car pendant les quatorze années où il s’était caché dans la maison de Ever, il ne s’était pas allongé.
  • Dans cet endroit il s’allongea car pendant les vingt qu’il passera dans la maison de Lavan, il ne s’allongera pas.

La nuit que passa Yaakov dans le lieu le plus saint de la terre, était encadrée des périodes les plus intensément spirituelles et des plus intensément matérielles de sa vie.

  • Pendant quatorze ans, avant cette nuit, Yaakov s’était caché de son frère Essav qui voulait le tuer, dans la maison de son maître Ever (l’arrière arrière-petit-fils de Noa’h), dévouant chaque instant de sa vie à l’étude de la sagesse divine.
  • Et pendant vingt ans, après cette nuit, il allait travailler comme employé de son oncle Lavan, veillant aux moutons de Lavan et amassant une fortune pour lui-même. Selon son propre témoignage, sa dévotion à cette tâche fut si absolue que « le sommeil quitta mes yeux » (Béréchit 31 :40).

Mais au court de cette nuit qui s’interposa entre ces deux périodes et les unit, Yaakov « s’allongea ».

Qu’est-ce que cela signifie ?

Une personne allongée met sa tête et le reste de son corps au même niveau. Ainsi, elle abandonne le plus grand avantage que possède un être humain sur les animaux, le fait que, dans l’être humain, la tête est positionnée en haut du corps. En effet, la verticalité de l’homme est bien plus qu’un aspect de son anatomie physique. Elle reflète plutôt une vérité plus profonde, celle que dans l’être humain, l’esprit dirige le cœur, la tête est la maîtresse du corps.

Une personne qui se laisse diriger par ses émotions ou par ses instincts est quelqu’un qui renonce à la caractéristique la plus importante de son être, à la supériorité la plus éclatante de l’homme sur l’animal.

Là est le sens profond de l’affirmation du Midrach selon laquelle Yaakov ne s’allongea pas pendant ses quatorze années dans la maison de Ever, ni durant les vingt années de son séjour au service de Lavan. Yaakov nous indique par-là que le principe selon lequel l’esprit dirige le cœur s’applique à tous les domaines de la vie, depuis l’engagement le plus spirituel jusqu’à l’occupation la plus matérielle.

Tous les domaines de la vie … sauf quand on est sur le Mont Moriah. Parce qu’il existe aussi une vérité plus élevée. Une vérité qui transcende la matérialité et la spiritualité. Une vérité qui embrasse à la fois l’intellect et l’instinct.

Hachem a créé le spirituel et le matériel, et Il est présent dans les deux. Il nous pourvoit de moyens pour nous connecter à Lui dans les deux domaines.

La prière, par exemple, est le moyen de nous lier à Lui spirituellement alors que donner la Tsédaka en est la voie matérielle. Et Il nous donne un guide, notre cerveau, grâce auquel nous pouvons naviguer dans ces deux domaines de la vie.

Mais nous avons également besoin de nous attacher à une vérité divine supérieure qui transcende l’esprit et la matière. En fait, ce n’est que grâce à cette relation que nous pouvons habiter deux mondes si différents et même les incorporer tous deux dans nos vies.

C’est la raison pour laquelle Yaakov devait passer une nuit sur le Mont Moriah, lieu du futur Beith Hamikdach, lieu de la manifestation la plus profonde de la révélation divine à l’homme et de l’engagement ultime de l’homme au service d’Hachem. Seule une rencontre avec le Mont Moriah peut construire un pont entre les années passées chez Ever et les années passées chez Lavan. Seule une rencontre avec le Mont Moriah peut placer nos entreprises spirituelles et nos poursuites matérielles dans une même vision de la vie, peut leur permettre de vivre harmonieusement ensemble, voire de se nourrir réciproquement et imposer aux deux les mêmes critères d’intégrité. Mais sur le Mont Moriah, il n’y a ni lois ni outils. On ne peut le comprendre ou l’appréhender, on ne peut ni réfléchir ni expérimenter. On ne peut que s’allonger dessus afin de mieux s’y abandonner.

Nos moments « Mont Moriah » sont extrêmement rares. Pour Yaakov, une seule nuit a suffi pour 34 ans. Ce qui est important, ce n’est pas qu’ils arrivent souvent ou qu’ils durent longtemps. Ce qui est important, c’est que leur influence se fasse sentir sur tout ce que nous faisons.

A nous de savoir les repérer et les faire fructifier à bon escient.

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