Vayichla’h 2019

PARACHAT VAYICHLAH

« Yaakov envoya des messagers devant lui » (Béréshit 32 ; 4)

Le Kéli Yakar demande : Pourquoi le texte nous précise-t-il « devant lui » ?

Pourtant, nous avons d’autres endroits dans la Tora où on a envoyé des messagers et cela n’est pas marqué « devant lui » comme par exemple : « Moshé a envoyé des messagers » « Israël a envoyé des messagers » ? Pourquoi ici indiquer qu’il les a envoyés devant lui ?

Rashi explique qu’ici Yaakov a envoyé de vrais anges, ce sont les anges qu’il a rencontré à la fin de la Parasha précédente. Rashi avait expliqué que les anges du pays d’Israël sont venus à sa rencontre pour l’accompagner jusqu’à la terre sainte.

Le Kéli Yakar écrit que ces vrais anges avaient l’habitude de marcher « devant lui » pour le protéger. C’est ce à quoi le texte veut faire référence quand il dit qu’il les a envoyés « devant lui ». 

D’ailleurs Rashi expliquera plus loin (33 ; 8) que ces anges sont allés vers Essav et ses quatre cents soldats et ils les ont bousculés en leur disant :

  • A qui êtes-vous ? 
  • A Essav. Alors les anges les frappaient.
  • Laissez-le, Essav est le fils d’Itsrak ! Mais les anges n’y prêtaient pas attention. 
  • Essav est le petit-fils d’Avraham. Mais les anges continuaient à frapper.
  • C’est le frère de Yaakov. Alors les anges les ont laissés tranquilles.
  • S’il en est ainsi, vous êtes des nôtres !  

Yaakov a mérité, non seulement que des anges l’accompagnent, mais aussi que ces anges soient visibles aux autres êtres humains. Car sa Tora, sa pureté et toutes les Mitsvot qu’il accomplissait étaient tellement grandes que les anges qui en découlaient étaient, eux aussi, grands et donc capables d’être vus par tous. 

En quoi cela nous concerne-t-il ?

En fait, chaque juif lorsqu’il accomplit une Mitsva crée un ange qui se tient à ses côtés pour l’aider. Mais la force de cet ange dépend de l’intensité et de la pureté avec lesquelles cette Mitsva a été accomplie. Plus l’effort fourni est grand et plus l’ange est puissant.

‘Hazal nous disent qu’une Mitsva accomplie dans la douleur est bien plus méritante que si elle était faite facilement. On doit parfois surmonter son Yétser Hara, s’opposer au milieu ambiant, chercher en nous les dernières forces qui nous restent pour ne pas fauter ou pour accomplir une Mitsva.

  • Combien de forces doit déployer celui qui a faim et qui se retient devant des bonnes nourritures sans les manger car elles ne sont pas Casher ?
  • Combien est grand celui qui refuse un travail pour ne pas travailler le Shabbat et qui, à cause de cela, restera sans le sou et ne pourra pas nourrir sa nombreuse famille.
  • Celui qui rate un examen parce que les épreuves étaient le Shabbat ?

C’est un choix dans la vie, c’est même LE choix de la vie : adhérer à la Tora de manière forte, sincère et sans compromis. Plus la Mitsva sera accomplie avec Shlémout et tous les Hidourim et plus cet ange créé sera fort.

Le Hafetz Haïm a écrit à ce sujet que si, celui qui fait une Mitsva manque de perfection, de pensée adéquate, d’intensité, de volonté ou de joie en accomplissant cette Mitsva, alors, les anges qu’il crée ont eux aussi des manques. C’est une perte inestimable ! C’est comme celui qui achète un objet moins cher parce qu’il a un défaut. C’était moins cher, il a économisé de l’argent, mais le défaut c’est pour la vie !

Il y a une histoire très connue qui illustre bien ce qu’on peut obtenir si on fait une Mitsva avec toute l’intensité voulue : Un jour, le Rabbi ‘Haïm de Tsanz traversait un village, il s’arrêta soudain et dit : « Je sens une odeur de Gan Eden dans ces parages, là, dans cette maison ! Je voudrais y entrer. » C’était la maison du trésorier de la caisse de charité du village.

Ils frappèrent à la porte et l’homme très ému fit entrer le Rabbi dans sa maison. « Il se dégage d’ici un parfum de Gan Eden, lui expliqua le Rabbi, c’est là, ajouta-t-il en tendant le doigt vers une armoire. Puis-je ouvrir ? » « Je vous en prie » répondit le Gabbaï. Rabbi ‘Haïm ouvrit l’armoire et commença à la vider de son contenu. Un instant plus tard, il en retira une longue défroque noire et son visage s’illumina. « Voilà, s’exclama-t-il en agitant la soutane. Ne sentez-vous pas cette odeur de Gan Eden ? Racontez-moi l’histoire de ce vêtement ! »

Le Gabbaï devint tout rouge de honte, cette vieille histoire qu’il croyait oubliée … Il se mit à raconter :

En tant que trésorier il faisait régulièrement sa tournée afin de faire face aux nombreux besoins de la communauté.

  • Un jour que je revenais d’une collecte, je vis quelqu’un qui m’attendait. 
  • Il faut que vous m’aidiez, j’ai d’urgence besoin d’une grosse somme pour me tirer d’affaire. 
  • Que n’êtes-vous venu un peu plus tôt, je viens de finir ma tournée et tout l’argent a déjà été distribué. Je suis vraiment désolé. 

Alors cet homme se mit à pleurer.

  • Où pourrais-je trouver de l’argent ?

Je fus pris de pitié et je décidais de refaire une tournée. Ce ne fut pas facile car les gens avaient déjà donné mais je récoltai une petite somme et la lui donnai.

Dix minutes ne s’étaient pas écoulées qu’on frappait de nouveau à ma porte. De nouveau c’était un juif dans le besoin. Un cas urgent, désespéré … Et de nouveau j’essaie de convaincre mon interlocuteur que je ne peux rien faire. Je ne peux tout de même pas aller frapper aux portes trois fois ? Mais mon visiteur ne comprenait pas. Je fus pris de pitié et je reparti. Ma troisième tournée ne fut ni facile ni agréable. Mais je finis par ramasser, sou après sou, une toute petite somme pour aider cet homme.

Peu de temps après on frappa à la porte, c’était un juif qui demandait trois roubles. Son propriétaire non-juif menaçait de l’expulser sur le champ s’il ne lui remettait pas trois roubles cette nuit même. Sa femme venait d’accoucher et il avait un enfant gravement malade.

Que faire ? Je savais qu’il était inutile d’aller trouver encore une fois mes coreligionnaires, ils étaient incapables de m’aider. Il fallait trouver quelque chose d’autre.

J’ai eu une idée. A côté de chez moi il y avait une taverne où de jeunes juifs venaient boire et dépenser leur argent. Pourquoi ne pas leur demander ?

Quand je suis entré dans la taverne des cris d’ivrognes saluèrent mon apparition. Je m’approchai résolument d’un groupe de buveurs et je leur expliquai le cas. Un concert de rire et de sifflements m’interrompit.

A ce moment, je sentis qu’on me donnait une grande tape dans le dos. C’était le fils de l’un des hommes les plus riches de la communauté qui ne pensait qu’à s’amuser, il me dit :

  • Tu veux de l’argent n’est-ce pas ? Je suis prêt à te donner trois roubles à une seule condition : j’ai chez moi une défroque qu’un prêtre a laissée chez nous, si tu acceptes de la porter et de te promener ainsi en notre compagnie à travers la ville, l’argent est à toi. 

Un formidable éclat de rire accueillit la proposition, on allait s’amuser un peu ! Mon premier mouvement fut de m’en aller, mais je pensai à ce juif dans le besoin, avais-je le droit de refuser ? Mon honneur valait-il la souffrance de toute une famille ? J’acceptai.

On s’empressa d’aller chercher la soutane et on me la mit. Puis, suivis de toute la compagnie je dû traverser tout le quartier juif. Les jeunes gens ravis tambourinaient sur tout ce qui leur tombait sous la main, chantant à tue-tête. Ils ont réveillé tout le quartier, qui, en regardant aux fenêtres se demandait ce que je faisais habillé d’une soutane et accompagné de tels ivrognes à cette heure de la nuit.

Le défilé achevé, le jeune homme me remis les trois roubles promis. Epuisé physiquement et moralement, je n’avais qu’une hâte : rentrer chez moi et oublier toute la scène … Mais comme ce vêtement m’avait permis de secourir un juif, j’ai décidé de le garder. 

« Vous avez bien fait ! s’exclama le Rabbi. Conservez ce vêtement et dites à vos enfants qu’à cent vingt ans, lorsque vous quitterez ce monde, on ne vous mette aucun autre linceul. Cette défroque sera pour vous la plus belle des parures. Tant qu’elle vous couvrira aucune créature céleste ne pourra rien contre vous ! » C’est ce que fit le Gabbaï.

Des années plus tard, le gouvernement polonais décida de construire une nouvelle route. Celle-ci devait traverser le cimetière juif. Il fallut donc déplacer les ossements des défunts pour les inhumer ailleurs. Quelle ne fut pas la surprise des hommes de la ‘Hévra Kadisha de constater que l’une des dépouilles en guise de linceul était revêtue d’une soutane de prêtre.

Le plus surprenant était le fait que cette dépouille était presque intacte. La décomposition ne l’avait absolument pas touchée, à l’exception d’une partie de la jambe, là où la défroque, déchirée, n’avait pas réussi à le couvrir parfaitement …

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